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PAUL (l'apôtre) 4.

III Le chrétien.

Quelles que soient, en effet, les influences subies par l'apôtre, son oeuvre est avant tout le fruit naturel de son orientation religieuse, caractérisée par une totale soumission à la volonté que Dieu lui a manifestée dans sa conversion et sa vocation. La vision du chemin de Damas a déterminé l'activité du converti, sa pensée et la forme même dans laquelle celle-ci s'est exprimée ; elle a fixé la destinée du chrétien, mais aussi celle du missionnaire, du penseur et même de l'écrivain.

Essayons d'abord de définir la portée, la nature et, dans toute la mesure du possible, la forme de cet événement essentiel.

La conversion de Saul ne ressemble à aucune des conversions célèbres que l'on a voulu lui comparer, celles de saint Augustin ou de Luther par exemple. Ce n'est pas la conversion d'un insatisfait cherchant l'apaisement de son trouble, ou d'un angoissé appelant la paix qui le fuit ; c'est--chose bien plus extraordinaire--la conversion d'un esprit satisfait, installé dans un dogmatisme radical, dans des certitudes absolues, et qui n'a jamais pensé qu'il eût quelque chose encore à trouver. Saul est sûr de sa foi ; il ne désire rien, il ne cherche rien, il n'attend rien. Il faut éviter de se représenter Saul torturé, à la manière de Luther, par l'impossibilité d'observer toute la loi. Il se déclare au contraire (Php 3:6) « irréprochable observateur de la justice légale » ; c'est seulement après sa conversion et après l'approfondissement dans son esprit de la notion de justice et de la notion de péché, que s'est formée en lui la conviction qu'il est impossible d'observer toute la loi. Pareille idée ne saurait avoir joué un rôle quelconque dans sa conversion.

Les hypothèses que l'on a pu faire sur la préparation subconsciente de ce revirement sont toutes gratuites. L'idée qu'il a été influencé par la constance des martyrs ou par la foi d'Etienne est plausible, mais rien ne l'appuie dans les documents que nous possédons. Seule la parole--encore n'est-elle pas de sa plume--où sont évoqués « les aiguillons » contre lesquels « il ne saurait regimber » semble indiquer qu'il y avait déjà des aiguillons dans sa chair et des tentatives vaines pour « regimber » (Ac 26:14).

Cependant le témoignage de l'apôtre ne confirme pas ce qui nous apparaît comme une vraisemblance psychologique ; il déclare au contraire qu'il a trouvé tout d'un coup son Maître et que sa vie a été changée en un instant.

Le livre des Actes raconte qu'arrêté brusquement sur le chemin de Damas, jeté à terre par une force dans laquelle il reconnaît la force même de Dieu, ébloui jusqu'à l'aveuglement par une lumière d'En-haut où descend jusqu'à lui la voix de Celui qu'il persécute, il devait porter toute sa. vie le stigmate de cette heure brûlante dont les récits du livre des Actes traduisent l'écrasante impression.

Nous n'avons malheureusement de la main de l'apôtre ni récit ni commentaire de cette révolution décisive de sa vie intérieure ou des révélations qui lui furent alors accordées. Lui qui a parlé avec une fière humilité de ses extases et de ses prières, n'a parlé qu'avec une extrême réserve de ces faits qui ont cependant déterminé toute son orientation ultérieure. Il écrit seulement aux Corinthiens, après avoir rapporté les apparitions du Christ qui ont suivi le matin de Pâques : « Enfin, après eux tous, il m'est apparu à moi, le dernier, comme à l'avorton ; car je suis le moindre des apôtres et je ne suis même pas digne d'être appelé apôtre, puisque j'ai persécuté l'Église de Dieu » (1Co 15:8,10). Aux Galates il écrit : « Il a plu à Dieu de révéler son Fils en moi » (Ga 1:16). Et c'est tout.

La plus grande prudence est donc de mise dans nos tentatives pour dire ce qui s'est passé autour de lui ou en lui. Que furent cette lumière, cette parole, cette vision, dont les récits ne nous permettent même pas de déterminer avec quelque précision dans quelle mesure l'apôtre seul en eut le privilège, ou ses compagnons en furent participants ? (cf. Ac 9:7 22:9 26:13 et suivant) L'affirmation donnée dans le discours devant Agrippa, que la parole lui fut adressée « en hébreu » et que les phénomènes de vision et d'audition furent nettement collectifs, peut-elle être considérée comme rigoureusement historique ? Il semble que ce soient là des bases bien fragiles pour une étude psychologique du converti et pour la détermination du processus dont nos textes essaient de rendre compte ; surtout si l'on songe qu'une partie essentielle des paroles attribuées au Sauveur lui-même dans Ac 26:16 est donnée dans Ac 22:14 comme prononcée par Ananias. Peut-être arriverons-nous à des résultats plus fermes en suivant, dans la vie et la pensée de Paul, les traces de cet événement, nous appliquant à déduire de la qualité des effets la nature de la cause.

Il convient de noter d'abord que cette vision n'a pas été, dans la vie de l'apôtre, un fait isolé ; dans 2Co 12:1 et suivants il parle des visions et révélations du Seigneur qui lui ont été accordées, et il décrit avec un surprenant mélange de précision et de prudence sa propre assomption au troisième ciel. Comment de pareils états seraient-ils susceptibles d'une classification, d'une notation en quelque sorte clinique ? et comment n'imiterions-nous pas la prudence de l'intéressé lui-même, répondant : « Si c'est sans son corps ou avec son corps, je ne sais, Dieu le sait » ?

Une chose nous paraît certaine, c'est que toute explication d'ordre pathologique ou plus généralement d'ordre médical doit être exclue. Une excitation momentanée des centres nerveux ou des facultés créatrices de l'imagination dans le domaine de la vision ou de l'audition peut assurément produire des phénomènes dont la description ressemblera, à s'y méprendre, à ceux dont nous parlent nos textes. Mais l'analogie restera tout extérieure entre ces excitations sans lien avec la vie morale, bientôt suivies d'une inévitable dépression, et une intervention décisive qui a créé des forces inusables et transformé durablement toute la destinée spirituelle d'une puissante personnalité. L'histoire documentaire ne peut aller plus loin, mais la psychologie religieuse trouve cependant, sinon dans les textes relatifs à cette heure unique, du moins dans la vie qui en fut le fruit, une raison d'affirmer que, par des moyens dont la nature et le mode d'action nous échappent, Dieu s'emparait d'une âme dont Il avait besoin pour la conquête du monde.

Si l'on demande pourtant sous quelle forme nous devons nous représenter la vision du Christ qui fut accordée à son persécuteur, nous prierons qu'on ne se laisse pas induire à penser, malgré des formules comme : « n'ai-je pas vu le Seigneur ? » (1Co 9:1), que l'apôtre ait eu l'impression de se trouver en présence de la forme historique, visible, de Jésus de Nazareth. Le Ressuscité, pour lui, était dépouillé de son corps charnel, visible ; le Christ qu'il a vu, c'est le Christ selon l'Esprit, c'est le Christ que Dieu a révélé « en lui », c'est le glorifié ; cette vision est liée à l'éclat d'une lumière surnaturelle, en sorte que l'écho le plus direct que nous en ayons pourrait être cette parole : (2Co 4:6) « Il a fait briller sa lumière dans nos coeurs, pour faire resplendir la gloire de Dieu sur le visage du Christ. »

Un autre ordre de considérations reste recouvert pour nous du voile qu'a jeté sur lui la discrétion de l'apôtre ; c'est le renouvellement de sa vie religieuse, l'écroulement de sa foi de pharisien et la naissance de sa piété nouvelle. Le fanatisme du persécuteur de l'Église avait sans aucun doute pour base et pour point de départ un orgueil implacable, une absence totale de ce que nous appelons le sentiment du péché, une hypertrophie enfin de la notion de mérite attaché aux oeuvres de la Loi. La piété nouvelle de l'apôtre est caractérisée au contraire par l'épanouissement d'une humilité qui se manifeste dans l'ordre spirituel par un intense besoin de rédemption et de salut, et dans l'ordre intellectuel par les théories de la grâce et de la prédestination dont l'objectif essentiel est de ruiner toute idée de mérite chez l'homme.

On prend ici sur le vif la coupure faite dans la vie religieuse de l'apôtre : cette heure divise sa vie en deux périodes antithétiques. Pharisien irréprochable, il ne pouvait que s'élever contre l'audace des amis de Jésus qui prétendaient donner pour chef prédestiné à la nation et pour Roi au monde le crucifié du Calvaire. Le blasphème pour lequel Jésus avait été justement condamné était multiplié à l'infini par le blasphème nouveau qui donnait au Messie d'Israël le visage d'un condamné de droit commun. C'est sa propre expérience que l'apôtre exprimera plus tard en écrivant : « Jésus, Messie crucifié, scandale pour les Juifs » (1Co 1:23). C'est pour assurer le respect dû à la Loi que Saul s'est fait persécuteur.

Et voici que ce Jésus contre lequel il se dresse lui révèle maintenant sa puissance et sa dignité de Messie ; il est convaincu d'avoir travaillé contre Dieu--lui, l'impeccable ! --et contre celui que le peuple attend depuis tant de siècles. Il se croit sans péché et il est le plus coupable des hommes. Une pareille conversion ne peut être une évolution, mais une révolution : ce n'est pas une foi qui s'effrite peu à peu, c'est le temple intérieur qui s'écroule d'un bloc. Dès lors il rejettera « comme des ordures » (Php 3:8) tout ce qui a été sa foi jusqu'à cette heure, cette Loi qu'il croyait être un guide pour les aveugles et qui l'a égaré sur une voie criminelle, cette Alliance qui l'a conduit à la mort. Toute sa pensée va donc se construire sous la forme de grandes antithèses, d'oppositions radicales entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance, entre la loi et la foi, entre la lettre et l'esprit, la servitude et la liberté. Sa vie a été si radicalement coupée en deux parties antithétiques, que désormais sa propre histoire comme l'histoire du monde ne pourra plus lui apparaître que sous l'aspect d'une série d'oppositions irréductibles. Ce que l'on a appelé « les grandes antithèses pauliniennes » n'est pas autre chose que le reflet, dans la pensée de l'apôtre, du drame intérieur qui a établi entre les deux fractions de sa vie une opposition décisive.

D'autre part, la vocation de Saul à l'apostolat est rapportée à l'heure même où s'est effondrée sa raideur pharisienne, ou tout au moins aux jours qui ont immédiatement suivi. Le vaincu s'est relevé apôtre. Et ce n'est point par un sursaut de sa volonté ; il a abandonné son orgueil et jusqu'à sa foi, et l'idée ne saurait lui venir d'aller demander son salut à Celui dont il s'était constitué l'adversaire. Mais ce qu'il ne peut pas, Dieu le peut ; c'est l'amour miséricordieux, c'est la grâce de Dieu qui va chercher dans son péché et dans son désespoir l'instrument « choisi pour porter son nom devant les païens et devant les rois » (Ac 9:15).

Sa piété d'Israélite l'avait accoutumé à cette idée que la créature n'est rien devant son Créateur ; mais il a maintenant une vue plus profonde de ce grand mystère de l'action divine. Lorsqu'il parle de l'impotence de l'homme, de son absolue dépendance devant les desseins de Dieu, lorsqu'il dit que c'est Dieu qui abaisse et qui élève, qui envoie au salut ou à la perdition, ce n'est pas une conception abstraite qu'il développe ou une réminiscence de sa piété israélite ; c'est le reflet de son expérience, la traduction du drame de sa vie, de sa chute et de son relèvement. Il sait que personne n'a rien ajouté à la révélation que Dieu lui a accordée par sa grâce ; de là son indignation à l'idée que l'on pourrait subordonner sa vocation à l'approbation des Onze, de là son âpre revendication d'indépendance : « Apôtre, non de la part des hommes, mais de la part de Dieu et de notre Seigneur Jésus-Christ » (Ga 1:1 ; cf. également les salutations au début de 1 et 2 Cor., Rom., Éph., Col, 1et 2 Tim.).

Enfin la piété de l'apôtre est caractérisée par une vision spéciale de la personne du Christ, dont la conception est évidemment déterminée par les expériences du chemin de Damas. Le point de départ de sa foi n'est pas une tradition sur la vie, la mort et la résurrection de Jésus ; c'est un contact immédiat avec le Ressuscité. L'existence historique du Maître n'intervient que subsidiairement. Celui-ci ne se dresse pas devant l'âme de l'apôtre comme une figure concrète dont les traits seraient fixés par la tradition ou par des documents, mais comme une réalité intérieure, comme un Esprit. Paul dira volontiers que Christ doit vivre en nous, grandir en nous ; il l'offrira à notre appréhension spirituelle ou à notre intuition mystique plutôt qu'à notre étude ou à notre connaissance historique. Si le Seigneur est proposé à notre imitation, ce ne sera pas dans quelqu'un de ses actes traditionnels mais dans le fait métaphysique de son abaissement (Php 2:5-11).

Sans doute Paul n'ignore pas la tradition évangélique, il connaît des paroles du Maître, il y fait parfois allusion, et dans sa conception de la loi nous retrouverons des traces de l'enseignement de Jésus lui-même ; mais le Christ qu'il annonce n'est pas le prédicateur des paraboles ou du sermon sur la montagne, c'est celui qu'il a vu, qui lui est apparu comme une gloire, comme un Esprit, comme un vainqueur et surtout comme un vivant. Car la résurrection de Jésus n'est pas pour lui un dogme, moins encore un fait historique à vérifier, et bien moins encore un problème : c'est la certitude première, puisque le Christ qu'il a connu, directement connu, c'est le Ressuscité. On ne peut comprendre ni la piété, ni la pensée de l'apôtre, si l'on perd de vue cette attitude prise devant la personne de Jésus.

On a dit qu'en substituant le Christ intérieur au Jésus de l'histoire, Paul avait été conduit à substituer à l'Évangile un système abstrait de doctrines, une sorte de scolastique obscure et dépouillée de la belle simplicité, de la pure évidence spirituelle qui revêt les paroles de Jésus. On l'a accusé d'avoir détourné le cours de la piété et substitué à la religio Christi la religio de Christo. L'école critique, à la fin du siècle dernier, s'est plu à accentuer cette opposition, et a voulu écarter Paul au nom de Jésus.

Assurément l'oeuvre de Paul ne se place pas dans le prolongement de celle de Jésus ; mais aussi bien n'a-t-il voulu ni répéter ni continuer Jésus. Il a voulu expliquer et utiliser le fait du Christ. Amené à la foi par une sorte de violence surnaturelle, il a dû expliquer, et d'abord à lui-même, pourquoi il croyait, quelle place il convenait de faire à la personne du Christ dans l'histoire humaine et dans les plans de Dieu. Arrêté devant la personne du Maître, il a voulu dire pourquoi il reconnaissait en lui le Sauveur du monde, et comment la foi au Fils de Dieu rendait inutiles les ordonnances et les disciplines même de la Loi. Il a transposé dans le langage intellectuel de ses contemporains les grandes intuitions qu'évoque dans l'âme humaine la vie ou la prédication de Jésus.

Ce n'est donc ni un disciple qui veut répéter et continuer son Maître, ni un penseur qui construit abstraitement une philosophie, « une sagesse » ; c'est un homme qui réfléchit sur les heures tragiques et victorieuses que Dieu lui a fait vivre et, prenant son point de départ dans ce qu'il a reçu comme une révélation, s'efforce de remonter jusqu'aux principes de la vie nouvelle dans laquelle il a été jeté malgré lui.

D'ailleurs le problème est mal posé, lorsqu'on suppose tacitement que Paul s'est trouvé seul en face de Jésus. Quand Saul de Tarse fut appelé à la foi, l'Église était née ; une société s'était formée, autour de la personne de Jésus beaucoup plus qu'autour de l'Évangile, et avait pris à charge de maintenir et de répandre l'enseignement du Maître, le souvenir de sa vie et de sa mort, la certitude de sa messianité, l'évidence de sa résurrection, l'attente de son retour. Et dans cette Église on avait réfléchi déjà sur la personne du Christ ; car pour prolonger son action il ne suffisait pas d'exposer ce qu'il avait fait ou dit, il fallait dire aussi ce qu'il était et ce qu'on pouvait attendre de lui. Paul peut bien insister sur le caractère immédiat et intime de sa révélation ; entre Jésus et lui il y a toujours l'Église, car c'est par elle seule que la voix divine qui a subjugué l'apôtre a pris un nom emprunté à l'histoire : celui de Jésus.

Mais le but de Paul n'est pas de prêcher comme Jésus, il est de prêcher Christ crucifié, et c'est chez lui que le christianisme, conçu non comme une piété conforme à celle de Jésus mais comme une religion fondée autour de la personne du Christ, prend pour la première fois conscience de lui-même et revêt une forme systématique. On méconnaît donc les données du problème, lorsque l'on s'étonne que les tonalités de l'une et l'autre prédication soient si différentes.

Ainsi les trois données fondamentales qui dominent la vie et la pensée de Paul dérivent directement des modalités de sa conversion : la démarche même de sa pensée, qui procède toujours par antithèses et oppositions ; --sa conception de la vie religieuse comme un abandon absolu entre les mains d'un Dieu miséricordieux dont la grâce est notre seule force ; --enfin une vision spirituelle, métaphysique, de la personne de Christ, dans laquelle il trouve, par delà les limitations de l'histoire, le principe éternel de la vie divine dans l'humanité. Tout cela était contenu dans la révolution qui opposait au vieil homme l'homme nouveau, dans l'appel que Dieu lui adressait sans attendre de sa part aucune initiative, dans le contact enfin qu'il avait réalisé non avec Jésus de Nazareth, mais avec le Seigneur qui est l'Esprit.

Sur la base de cette triple révélation, l'apôtre a bâti mieux qu'une vie religieuse singulièrement ample et profonde, une personnalité chrétienne à laquelle un sain équilibre de ses dons naturels et des dons de la grâce est venu assurer une exceptionnelle fécondité. Car la crise où avait sombré sa foi de persécuteur avait changé radicalement l'orientation de toutes ses virtualités, mais elle ne les avait pas anéanties ; elle avait créé des forces nouvelles, mais dans le cadre de sa personnalité première. Ainsi s'était forgée l'âme que nous révèlent notamment les lettres aux Corinthiens : une vocation surnaturelle unie à un sens aigu des réalités, une consécration totale au but final et une admirable aptitude à discerner les possibilités immédiates, une fougue passionnée et une tendresse quasi féminine, un oubli de soi sans réserve et une mise en oeuvre prestigieuse de tous ses dons personnels, une logique implacable et une merveilleuse souplesse d'intuition, une invincible obstination au service d'un idéal unique et une richesse de conceptions qui s'étendait à tous les domaines ; tels sont quelques-uns des contrastes qui s'harmonisaient dans cette riche personnalité et qui devaient rendre si féconde sa carrière d'homme d'action et de penseur.

Mais qu'il s'agisse des sources de l'action ou de celles de la pensée, c'est toujours aux expériences initiales du chrétien qu'il faut en revenir. Paul n'a reçu de personne un corps de principes capable d'orienter sa vie intérieure et son action ; il a dû élaborer lui-même sa doctrine sur la base des réalités spirituelles que Dieu lui avait révélées et en fonction des problèmes que l'action posait devant lui.

Comment d'ailleurs en serait-il autrement ? Comment celui à qui Dieu a fait la grâce d'une

illumination personnelle et d'un contact direct chercherait-il ailleurs le principe de son action et de sa pensée ? Il n'entre pas dans la carrière d'apôtre des Gentils en raison de vues abstraites sur l'universalisme chrétien, mais par une nécessité intérieure qu'il éprouve comme un ordre divin ; et sur cette route il rencontrera le problème de l'universalisme et se verra contraint de lui donner une solution qui ne le fasse pas « désobéir à la vision céleste » (Ac 26:19). Ainsi, de problème en problème, il sera conduit à une conception de l'histoire humaine, dans laquelle la personne du Christ sera le point central autour duquel s'ordonnera la double perspective du passé et de l'avenir.

S'il fallait confirmer ces considérations par un argument matériel, la chronologie même des épîtres témoignerait de cet engendrement progressif de la pensée au cours de la vie : les premières sont toutes pratiques et comme brûlées des fièvres de l'action ; mais de Galates à Corinthiens, de Corinthiens à Romains, de Romains à Éphésiens et Colossiens, la doctrine se complète et se précise. Les problèmes de l'action cèdent peu à peu leur primauté à ceux de la pensée, et l'âme du missionnaire et du penseur trouve enfin dans le billet aux Philippiens son expression dernière : quelques lignes d'une admirable plénitude (Phi 1:18 2:11) nous révèlent en même temps une âme apaisée entre les mains de Dieu et un esprit en pleine possession de sa doctrine.

On ne saurait donc pénétrer au coeur de la pensée paulinienne que si on l'envisage dans son élaboration progressive et non dans une formule statique dont l'exposé ne nous est d'ailleurs nulle part offert. A lire les pages, admirables par ailleurs d'érudition et de profondeur, qu'Ed. Reuss consacre à la doctrine paulinienne (Hist, de la Théol. chrét, au siècle apostol, t. II), on ne peut se défendre d'un certain effroi devant un édifice intellectuel dont la majesté grandiose reste abstraite et lointaine. C'est le paulinisme sans saint Paul. Avec Aug. Sabatier (L'apôtre Paul), l'homme reparaît ; la pensée du grand lutteur reprend son caractère vivant et souple ; elle se précise au cours des années, recueillant les leçons de l'expérience et de la prière.

Il faut oser aller jusqu'au bout de cette méthode et montrer Paul en perpétuelle gestation d'une pensée qui marche, à travers les méandres de l'action, vers l'unité de la révélation. Définir les principes et montrer comment ils déterminent l'action, c'est la voie la plus facile et, semble-t-il, la plus logique ; mais c'est une logique apparente, une fausse facilité. En réalité il faut montrer le chrétien lancé dans l'action par l'ordre souverain de Dieu, et appelé à dégager chaque jour, en face des questions nouvelles, les principes nouveaux qui régleront son action et celle de l'Eglise ; il ne faut pas aller des doctrines aux applications, mais des questions posées aux réponses que l'apôtre leur donne non seulement avec la maîtrise d'une pensée singulièrement pénétrante, mais avec les lumières d'un homme spirituel qui « juge de tout » parce qu'il « possède la pensée du Christ » (1Co 2:15).

Telle est l'humble et laborieuse méthode que la nature même de notre sujet nous impose pour les pages qui suivent.

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