Observez la fidélité de l'apôtre, qui donne une pleine
mesure de la doctrine qu'il avait prêchée parmi les Gentils ; il
se résout encore à donner cet enseignement, à savoir le
Christianisme, dénué de tout mélange avec le Judaïsme. Cette
doctrine pouvait paraître difficile pour beaucoup, cependant
Paul ne semblait pas contrarié pour autant. Son attention se
portait moins sur le succès acquis lors de ses précédentes
exhortations, que sur celles qu’il devait encore donner, qui ne
devaient être entravées par quoi que ce soit.Bien que nous dépendions entièrement de Dieu, quant au succès de
notre travail, nous devons rester circonspects pour éviter les
erreurs, et les diverses oppositions. Il y a des actes qui
peuvent être accomplis en conformité avec la loi, cependant,
quand ils ne peuvent être faits sans trahir la Vérité, il
doivent être exclus.
N’approuvons pas trop rapidement la conduite de quelqu’un, à
moins qu'elle ne reflète manifestement la Vérité de l'Évangile.
Quels que purent être les entretiens entre Paul et les autres
apôtres, ce dernier n'a acquis de leur part, aucune connaissance
ni autorité supplémentaires.
Considérant la grâce qui était accordée à Paul, différents
frères lui témoignèrent, ainsi qu'à Barnabas, toute leur
affection, étant persuadés qu'il était destiné, comme eux, au
ministère d'apôtre. Ils convinrent que Paul et Barnabas devaient
se diriger tous les deux vers les païens, pendant qu'eux-mêmes
allaient continuer de prêcher chez les Juifs ; mais une telle
décision, dans la division de leurs équipes, devait avant tout
être approuvée par Christ.
Nous apprenons ici que l'Évangile ne nous appartient pas, mais
qu’Il est à Dieu : les hommes n'en sont en fait que les gardiens.
Nous sommes en cela, tenus de louer Dieu !
L'apôtre montra sa disponibilité pour le ministère, pleine de
charité ; il témoigna combien il était prêt à accueillir les
juifs convertis en tant que frères, quoique beaucoup d’entre eux
permettaient à peine qu'on leur accorde une telle faveur...
Cette simple divergence d'opinion ne changeait pas en lui sa
détermination à les aider.
Voici un modèle de charité chrétienne, que nous devrions étendre
à tous les disciples de Christ !
Il ne faut rien retrancher de la force de ces expressions, car, tout en aggravant la faute de Pierre, elles réfutent à l'avance les conséquences erronées qu'on pourrait tirer, et qu'on a souvent essayé en effet de déduire de cette faute. "Où est, a-t-on dit, l'unité de doctrine dans les apôtres ? Où est leur autorité absolue dans les vérités du salut ? Voici deux des plus grands apôtres en flagrante contradiction sur le point le plus important de la doctrine."
Il n'y a rien dans ce récit qui donne lieu à ces conclusions, ni qui rende nécessaires les hypothèses auxquelles on a eu recours pour l'expliquer, ni qui justifie une théorie de l'inspiration d'après laquelle les écrits seuls des auteurs sacrés auraient été inspirés et non leur personne et leur enseignement oral.
En effet, c'est à Pierre lui-même que fut révélée d'abord la grande vérité du salut des païens par la foi sans les œuvres de la loi. (Actes 10) Devenu le premier héraut de cette vérité, et, à cause de cela, accusé par les chrétiens judaïsants de Jérusalem, il se justifie devant tous, s'appuyant de la révélation expresse de Dieu et du don du Saint-Esprit accordé aux païens convertis. (Actes 11) Enfin la question est solennellement portée par Paul et Barnabas devant les apôtres et l'Eglise de Jérusalem, (Actes 15) et c'est Pierre qui, le premier, prend la parole et défend avec énergie la liberté chrétienne de ceux que Dieu a appelés à la foi du sein du paganisme. "Maintenaient donc, conclut-il, pourquoi tentezvous Dieu en voulant imposer aux disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter ? Mais nous croyons que nous serons sauvés par la grâce du Seigneur Jésus-Christ, de même qu'eux." (Actes 15.10,11)
Bientôt après, Pierre vient à Antioche...A-t-il changé de conviction ? Non, puisque sa conduite judaïsante est déclarée une hypocrisie. Enseigne-t-il une doctrine contraire à celle de Paul sur la loi et sur la grâce ? Nullement, pas plus qu'il ne professait une théorie de la trahison lorsqu'il renia son Maître dans la cour de Caïphe. Ici, comme alors, il commet une faute, un péché, et par la même faiblesse de son cœur : la crainte des hommes, ainsi que Paul le déclare positivement. (Actes 15.12)
En principe, les deux apôtres sont parfaitement d'accord, ils professent la même vérité ; mais dans la conduite, Pierre est un moment inconséquent à cette doctrine. Il succombe à une tentation vers laquelle inclinait son caractère naturel, et Paul l'en reprend : voilà tout le sens de cet événement. Or, nul dans l'Eglise, même en admettant complètement l'autorité apostolique, n'a jamais songé à revendiquer pour les apôtres l'impeccabilité. (Comparer Actes 15.39 ; 23.3 et suivants)
UN SEUL a eu le droit de dire : "Qui de vous me convaincra de péché ?" Au reste, Pierre pouvait d'autant plus facilement se faire illusion sur la portée et les conséquences de sa faiblesse en cette occasion, que les observances de la loi étaient alors encore religieusement gardées par tous les chrétiens de la Palestine, et que Paul lui-même ne se faisait pas le moindre scrupule de s'y soumettre lorsque les circonstances lui garantissaient que la doctrine du salut par grâce n'en recevrait aucun dommage. (Comparer versets 3-5, note, et surtout Actes 21.20 et suivants, note.)
Enfin, tout porte à croire que Pierre reconnut son erreur, et ainsi il ne fut pas moins admirable dans son humilité, que Paul dans son zèle énergique pour la vérité : souffrir la répréhension est plus difficile encore que de la faire. Et voilà l'homme dont on a voulu faire le prince des apôtres et le premier des papes ! Ce pape aurait donc été moins infaillible que ses successeurs. Il est vrai que pour se mettre à l'aise on a commencé par accréditer l'invention qu'il ne s'agit point, dans ce chapitre, de l'apôtre Pierre, mais de quelque disciple portant le même nom !