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Daniel 7

    • 1

      1 à 2 Préambule.

      Nous avons déjà fait observer (voir introduction) que ce préambule paraît provenir de la main du rédacteur du livre et non du prophète lui-même.

      La première année de Belsatsar. Ce vice-roi de Babylone, n'ayant régné probablement que trois ans (8.1) et ayant péri en 538 (chapitre 6), la date de la vision doit être l'année 541-540. De même que Nébucadnetsar au commencement de la monarchie (2.1) avait contemplé la succession des empires universels, Daniel reçoit une révélation plus complète du même fait au moment où cette première monarchie va crouler pour faire place à une autre.

      Des visions en son esprit : littéralement, des visions de sa tête. Comparez 2.28.

      2

      Il écrivit... Ces mots sont destinés à affirmer la conformité essentielle du compte-rendu suivant avec la vision.

      2 à 8 Les quatre bêtes.

      Daniel prit la parole. C'est le prophète lui-même qui introduit ainsi le récit de ce qu'il a vu. Son nom devait garantir la révélation ; comparez Osée 1.2 ; 3.1 ; Apocalypse 1.1,9.

      Pendant la nuit : au moment du plus profond recueillement de l'âme.

      La mer. La mer, par son immensité et par sa mobilité, est le symbole naturel de la masse de l'humanité, spécialement de l'humanité païenne, comparez verset 17 : La terre ; Esaïe 17.12 ; 27.1 ; Jérémie 46.7 ; comparez Apocalypse 13.1.

      On pourrait envisager les quatre vents comme les symboles de quatre actes de la puissance divine ; mais il nous paraît préférable d'y voir les emblèmes des forces et des tendances inhérentes à l'esprit humain et qui, avec la permission divine, font successivement explosion dans son histoire en se concentrant dans une puissance particulière. Comparez l'expression : l'esprit, le souffle de ce monde, 1Corinthiens 2.12. Il est parlé Apocalypse 7.1 des quatre vents de la terre.

      3

      Différentes l'une de l'autre. La différence ne consiste pas dans le degré de pouvoir qui leur est accordé, car toutes symbolisent des monarchies universelles, mais bien dans le caractère de leur puissance. Comme chaque bête a son organisation et ses allures propres, ainsi chacun de ces empires a un esprit et un mode d'agir particuliers.

      4

      Première monarchie : le lion. (La tête d'or, 2.38.)

      Un lion... des ailes d'aigle. Le lion est le plus noble des animaux sauvages et l'aigle le plus noble des oiseaux ; ces caractères rappellent l'image de la tête d'or, le plus noble des métaux, image appliquée expressément à Nébucadnetsar 2.38. Ils sont attribués au même monarque par les prophètes israélites : Jérémie 49.19,22 ; Ezéchiel 17.3, etc. Layard a découvert un lion ailé dans le temple de Nimroud, à Ninive.

      Les ailes lui furent arrachées. Ce symbole peut s'appliquer au moment où Nébucadnetsar cessa de se livrer à la manie des conquêtes et se consacra plutôt aux arts de la paix (construction de temples, de palais, de canaux, etc.). Cependant l'expression furent arrachées semble indiquer un acte violent dont il fut l'objet, et l'on ne peut guère penser dans ce sens qu'au châtiment dont fut frappé son orgueil (chapitre 4), lorsqu'il fut pour un temps privé de sa puissance et réduit à l'état de brute.

      Un cœur d'homme. Dans le premier sens de l'emblème précédent, cette expression rappellerait le caractère plus humain que prit le règne de Nébucadnetsar dans la dernière partie de sa vie ; dans le second, il désigne le changement religieux qui s'opéra chez lui par la reconnaissance de la souveraineté du Dieu d'Israël ; comparez 2.47 ; 3.28 ; 4.34 et suivants. Il s'élève par là en quelque sorte au-dessus du rang des bêtes représentées dans la vision ; comparez 4.16,34.

      Ici, comme au chapitre 2, Nébucadnetsar représente toute la monarchie dont il est, pour ainsi dire, l'incarnation. En face des termes si précis de 2.38 1, il ne peut être question de voir dans le premier empire celui de Ninive (II° système d'explication ; voir le tableau). On ne peut pas non plus scinder l'empire de Babylone, pour faire de Nébucadnetsar personnellement le représentant du premier grand empire et de Belsatsar le représentant du second (l'ours), comme le veut le III° système. Les bêtes ne représentent. pas des rois, mais des royaumes (verset 23). Il en est de même des parties de la statue ; comparez 2.39 : il s'élèvera un autre royaume.

      5

      Seconde monarchie : l'ours. (La poitrine et les bras d'argent, 2.39.)

      Elle dressait l'un de ses côtés. Le sens de cette phrase n'est pas certain ; on l'a traduite aussi : et elle établit une seule domination. Ce sens s'appliquerait soit à l'unité de la puissance médo-perse, soit à l'absorption de l'empire babylonien par cette puissance. Mais il nous paraît bien plus conforme au sens du texte d'admettre que l'ours est représenté ici comme élevant l'une de ses jambes pour l'attaque. Cette image correspond évidemment à celle du bélier qui avait une corne plus haute que l'autre, 8.3, et désigne naturellement la prépondérance de la nation perse sur la nation mède dans la monarchie médo-perse.

      Trois côtes. C'est ici l'image des vastes conquêtes du second empire. Il ressort de 8.1 que ces conquêtes doivent avoir lieu du côté de l'occident, du côté du septentrion et du côté du midi.

      Lève-toi. Il ne faudrait pas conclure de cet ordre que l'animal était couché, car il sortait justement de la mer (verset 3). Cette apostrophe a ici, comme souvent, le sens de : Allons ! en avant ! Comparez Juges 8.20.

      Mange force chair ! Emblème de l'avidité avec laquelle ce second empire s'emparera des richesses des peuples conquis. L'ordre signifie : Accomplis ton rôle dans l'histoire ! Qu'aucun obstacle ne t'arrête !

      L'explication en vogue aujourd'hui parmi les commentateurs qui font du livre de Daniel une composition non prophétique du temps des Maccabées, consiste à voir dans ce second empire la Médie seule, par opposition à la Perse qui serait représentée par la bête suivante. Cette explication nous paraît inconciliable à la fois avec l'histoire et avec la manière de s'exprimer de l'auteur du livre. L'histoire ne connaît qu'un empire médo-perse unique, au sein duquel l'autorité appartint, d'abord à la dynastie mède, puis à la dynastie perse. M. Maspéro (Histoire ancienne des peuples de l'Orient, page 509), d'accord avec M. Rawlinson (The five great monarchies, tome II, pages 422 à 426), après avoir raconté les dissensions à la suite desquelles Cyrus (perse) l'emporta sur Astyage (mède), s'exprime en ces termes : Ce fut un changement de dynastie plutôt qu'une conquête étrangère. Astyage et ses prédécesseurs avaient été rois des Mèdes et des Perses ; Cyrus et ses successeurs furent rois des Perses et des Mèdes. Le livre de Daniel envisage les choses de la même manière. Il distingue sans doute entre une dynastie mède et une dynastie perse, quand il parle des deux rois : Darius (mède) et Cyrus (perse) ; mais il n'établit nullement pour cela deux monarchies différentes. Bien au contraire, il dit 5.28 : Le royaume de Babylone est donné aux Mèdes et aux Perses ; 6.8,12,15 : la loi des Mèdes et des Perses. 11.1-2, après avoir parlé de Darius le Mède, l'auteur continue en disant : Il y aura encore trois rois en perse, ce qui prouve qu'à ses yeux Darius le Mède est en même temps roi persan. Enfin, au chapitre 8, le royaume des Mèdes et des Perses est représenté par un seul animal ; le bélier à deux cornes, comparez particulièrement le verset 20 : Le bélier à deux cornes que tu as vu, ce sont les rois des Mèdes et des Perses. Dans le tableau du chapitre 2, nous retrouvons, dans l'image de la poitrine avec les deux bras d'argent, la même dualité que dans les emblèmes des chapitres 7 et 8 (les deux côtés, dont l'un plus élevé que l'autre, et les deux cornes, dont l'une plus haute que l'autre : les Perses qui ont acquis la prépondérance sur les Mèdes). Nous voyons donc qu'il s'agit ici de la monarchie médo-perse et qu'il est tout à fait arbitraire de statuer, à l'encontre de preuves si nombreuses, un second empire ne représentant que la Médie, à l'exclusion de la Perse, afin de réserver à celle-ci la troisième place. Cela suffit déjà pour faire tomber le III° système d'interprétation aujourd'hui en vogue. D'ailleurs comment appliquer à la Médie seule l'expression : Mange force chair !, et les conquêtes au septentrion, à l'occident et au midi ? Enfin nous allons voir que les caractères de la bête suivante s'appliquent aussi peu à la Perse qu'ils s'appliquent bien à la puissance grecque. Ce sera la confirmation du résultat auquel nous sommes arrivés pour ce verset 5.

      6

      La troisième monarchie : le léopard. (Le ventre et les hanches d'airain, 2.39)

      Le léopard a pour caractères l'agilité et la soudaineté des bonds (Habakuk 1.8). Cet emblème convient admirablement à la rapidité des conquêtes du Grec Alexandre (8.5).

      Quatre ailes d'oiseau. L'agilité du quadrupède est encore renforcée par celle de l'oiseau. Le conquérant semble voler sans toucher la terre. En quelques années, Alexandre conquit avec l'Asie-Mineure et l'Egypte tout le continent asiatique jusqu'à l'Indus.

      Quatre têtes. Cet emblème ne fait pas double emploi avec le précédent (les quatre ailes) ; il ne peut se rapporter qu'aux quatre monarchies dans lesquelles le troisième empire, l'empire grec, se réalisa (11.4). En effet, l'empire d'Alexandre n'a pas existé comme empire à part et distinct des monarchies grecques qui en sortirent. Le fondateur mourut avant de pouvoir organiser son nouvel Etat ; vingt ans après, ses conquêtes échurent à quatre de ses généraux qui se les partagèrent en prenant le titre de rois. C'est ce qu'indique le texte lui-même, en faisant apparaître la troisième bête avec ses quatre têtes, avant même de dire que la domination lui fut donnée. Elle paraît dès l'abord dans la vision prophétique sous la forme sous laquelle elle s'est réalisée historiquement. Ce qui confirme ce sens, c'est que, 8.8, les quatre cornes sur la tête du bouc correspondent visiblement à ces quatre têtes du léopard ; or, 8.21, ce bouc est désigné en tout autant de termes comme le roi (le royaume) de Javan (la Grèce), et les quatre cornes, comme quatre royaumes qui s'élèveront de cette nation. Il paraît donc conforme aussi bien à l'histoire qu'à la conception de l'auteur du livre, de voir dans la troisième bête l'empire grec fondé par Alexandre et constitué des l'abord sous la forme de quatre Etats : la Macédoine, la Thrace, la Syrie et l'Egypte.

      Les partisans du IV° système d'interprétation, qui voient dans l'ours la monarchie mède et dans le léopard la monarchie perse, essaient d'expliquer l'emblème des quatre têtes en le rapportant aux quatre rois qu'aurait eus la Perse. L'histoire, il est vrai, nous parle de neuf rois de Perse. Mais ces exégètes supposent que l'auteur du livre de Daniel n'en connaissait que quatre, bien qu'écrivant, suivant eux, longtemps après la chute de l'empire persan. Afin de prouver une aussi étrange assertion, ils s'appuient sur le passage 11.2. Pour la réfutation de cette imputation si invraisemblable, nous renvoyons à ce passage. En tout cas il est manifeste que ces quatre têtes, existant simultanément sur le léopard ne sauraient représenter quatre rois successifs. Ce verset confirme donc nos conclusions précédentes (verset 5) relatives au IV° système d'interprétation.

      Le V° et le VI° système sont exclus également par ce que nous venons de dire. Car une fois que les quatre Etats issus des conquêtes d'Alexandre, par conséquent la Syrie, aussi bien que l'Egypte, la Macédoine et la Thrace, ont paru comme renfermés dans la troisième monarchie, ils ne peuvent ni tous quatre ensemble, ni l'un d'eux en particulier, former le quatrième grand empire.

      7

      7 et 8 Le quatrième empire : la bête sans nom. (Les jambes et les pieds de la statue, 2.40-43).

      Je contemplais dans les visions de la nuit. C'est comme une reprise de la révélation prophétique, dans l'attente de faits plus graves encore que les précédents.

      Effrayante, terrible, etc. Comparez ce qui est dit du fer de la statue 2.40. Ce rapprochement confirme le parallélisme complet entre les quatre empires représentés par la statue, chapitre 2, et les quatre empires représentés par les bêtes, chapitre 7.

      Différente de toutes les bêtes. Les bêtes différaient toutes les unes des autres (verset 3). Le caractère de la première était la majesté, celui de la seconde, la voracité, celui de la troisième, la rapidité ; le caractère de celle-ci est une brutalité et une férocité sans égales. Mais ce qui faisait que celle-ci formait un genre à part, c'est qu'elle ne trouvait son semblable dans aucun des animaux existants sur la terre. Aussi n'est-elle pas nommée. C'est presque autant une machine (des dents de fer) qu'une bête. Il suffit déjà de ce trait pour empêcher de voir dans cette quatrième bête, avec les partisans des II°, III° et IV° systèmes, la monarchie grecque fondée par Alexandre-le-Grand ; car cet empire ne se distingua nullement d'une manière spécifique des précédents ; et au chapitre 8 il apparaît sous l'image d'un animal ordinaire, le bouc, à côté du bélier qui représente la monarchie médo-perse. La force extraordinaire qui lui est attribuée ne permet pas non plus de voir (V° système) l'ensemble des monarchies issues d'Alexandre ou (VI° système) l'une d'elles, celle de Syrie. Car il est dit (8.22) qu'elles n'auront pas autant de force que le premier roi (Alexandre) ; et s'il en est ainsi des quatre réunies, à plus forte raison de l'une quelconque d'entre elles. D'ailleurs, nous rappelons ici ce qui a été observé verset 6 : c'est que ces quatre Etats ont déjà paru dans les quatre têtes du léopard comme faisant partie intégrante du troisième empire.

      Dix cornes. La corne, dans le symbolisme biblique, désigne toujours la puissance. D'après le verset 24, ces dix cornes sont dix rois. Ce mot, lorsqu'une détermination particulière n'est pas donnée (comparez verset 8 et 8.21-22), désigne non des individus, mais des royaumes (2.44). Ces dix royaumes sont représentés ici comme simultanés ; car la petite corne surgit au milieu d'eux, ce qui suppose qu'ils existent tous au moment où paraît cette corne. Ce trait ne permet pas de voir dans les dix cornes, avec les partisans du VI° système, dix rois de Syrie qui auraient occupé ce trône successivement jusqu'à celui que l'on prétend être représenté par la petite corne : Antiochus. Ajoutez que l'histoire ne connaît réellement que sept rois de Syrie avant celui-là.

      Quel peut donc être le sens de cet emblème ? Il ne peut représenter, nous semble-t-il, que la division du quatrième empire en une multiplicité d'Etats dont l'ensemble est désigné par le chiffre dix, emblème ordinaire d'une totalité terrestre. Comparez les dix orteils des pieds de la statue, 2.42.

      Mais quel peut être ce quatrième empire ? Il doit à la fois succéder aux Etats grecs issus des conquêtes d'Alexandre et clore la série des monarchies universelles. L'empire romain répond et répond seul à cette condition. Il a absorbé l'Egypte, la Syrie, la Thrace et la Grèce ; bien plus, il a surpassé tous les grands empires précédents. Rien n'a échappé à sa puissance (2.40 ; 7.7,23). Denys d'Halicarnasse, qui écrivait dans les années qui ont précédé immédiatement notre ère, dit : L'empire romain règne sur toutes les contrées de la terre qui ne sont pas inabordables, il domine sur toute la mer ; il a le premier et le seul fait de l'Orient et de l'Occident ses frontières. Après l'invasion des barbares dans notre Europe, cet empire s'est partagé et développé en un certain nombre d'Etats (les dix cornes et les dix orteils) qui ont conservé sa politique et ses lois. D'autre part, il ressort de 2.44 et de tout le tableau suivant que c'est sous cet empire que doit apparaître le royaume messianique préparé par l'ancienne alliance. Et c'est en effet au moment où cet empire atteignait l'apogée de sa force qu'est apparu le Messie, et le royaume a peu à peu grandi à mesure que l'empire romain se divisait en une multiplicité d'Etats.

      8

      Une autre corne petite. Ces mots désignent une puissance de peu d'apparence, mais dans laquelle se concentre toute la force de la bête, et en particulier, comme nous le verrons, toute son hostilité contre Dieu.

      Trois des premières cornes furent arrachées. Ce trait mystérieux désigne sans doute l'agrandissement du pouvoir de la petite corne, au moyen de la soumission de plusieurs des Etats issus de la quatrième monarchie.

      Des yeux. Emblème d'habileté et de clairvoyance.

      Comme des yeux d'homme. Ce trait, ainsi que le suivant : une bouche, semble indiquer que cette puissance hostile à Dieu se personnifiera dans un individu. D'après les cinq derniers systèmes d'interprétation que nous avons mentionnés et critiqués, cet individu serait Antiochus Epiphane, roi de Syrie (175-164), le persécuteur de la nation juive. Les trois cornes qu'il a renversées seraient des compétiteurs au trône de Syrie, qu'il aurait écartés, mais dont un seul en tout cas aurait réellement régné. On ne s'accorde pas même sur leur nom. Nous ne pouvons entrer dans le détail de ces noms et de cette discussion, dont tout l'intérêt pour plusieurs interprètes est de prouver que l'auteur du chapitre 7 n'est pas un prophète, mais un historien qui écrit après les événements. Comme aucune préoccupation de ce genre n'influe sur notre jugement, nous ne saurions, après tout ce qui a été dit, voir Antiochus Epiphane dans la petite corne dont il est ici parlé. Nous rappelons seulement qu'elle surgit du sein du quatrième empire, et non, comme Antiochus, du royaume de Syrie qui a été placé dans la troisième monarchie. Et elle s'élève du milieu de dix Etats simultanés, et non à la suite de dix rois successifs (que l'histoire réduit en réalité à sept ou au plus à huit).

      Quelques exégètes, tout en maintenant le caractère prophétique du chapitre 7, ont été conduits aussi à appliquer l'image de la petite corne à Antiochus Epiphane, et cela par la raison suivante : 8.9-14,23-25, il est de nouveau question d'une petite corne. Or, partant de l'idée que le même symbole ne peut s'appliquer qu'au même personnage, ces exégètes, après avoir constaté à bon droit que la petite corne du chapitre 8 désigne Antiochus Epiphane, ont cru devoir interpréter d'après cela la petite corne du chapitre 7 et l'appliquer, malgré les raisons que nous venons d'indiquer, au même souverain. Mais cet argument n'est nullement concluant. Le symbole d'une petite corne ne renferme que l'idée d'un pouvoir d'abord peu apparent, puis acquérant une force considérable dont il se sert pour faire la guerre à Dieu. Or, ce phénomène peut se reproduire plus d'une fois dans l'histoire du monde ; une première fois, par exemple, au sein du troisième empire (c'est le cas au chapitre 8) et une autre fois au sein du quatrième (c'est le cas au chapitre 7). Et les circonstances particulières de l'apparition de ces deux puissances semblables sont assez différentes pour montrer qu'il s'agit de deux faits distincts. La petite corne du chapitre 8 sort d'une des quatre cornes du bouc ; celle du chapitre 7 surgit au milieu des dix cornes de la bête sans nom. La première n'arrache aucune autre corne, elle se superpose à l'une des précédentes ; la seconde en fait tomber trois. Il y a d'autres différences dans leur manière d'agir à toutes deux ; nous les signalerons lorsqu'il en sera question (versets 20 et 21).

      Nous sommes ainsi conduits à voir dans la petite corne du chapitre 7, qui s'élève au sein de la quatrième et dernière monarchie, le personnage ou le pouvoir désigné par saint Paul comme l'homme du péché, le fils de la perdition, l'impie, dont l'apparition doit précéder l'avènement glorieux du Messie (2Thessaloniciens 2.1-10). Voir au chapitre 8 le sens de la petite corne décrite dans ce chapitre et sortant de la monarchie grecque.

      9

      9 à 12 Le jugement de la bête sans nom.

      Je contemplais. La reprise de ce terme indique qu'il va se passer quelque chose de nouveau.

      Des trônes. Cela suppose que le tribunal se compose d'autres juges que le seul mentionné dans ce qui suit : le vieillard. D'après le verset 22 ces autres juges sont les saints du Trés-Haut. Comparez Matthieu 19.28 ; Apocalypse 20.4.

      Furent placés ; littéralement : jetés du ciel. Il semble que l'on doive se représenter ce jugement comme se passant sur la terre ou du moins entre ciel et terre.

      Un vieillard, littéralement : un avancé en jours, d'où la traduction d'Ostervald : l'Ancien des jours. C'est le Dieu d'éternité (Deutéronome 33.27 ; comparez Deutéronome 32.17). Dans beaucoup d'autres passages, c'est le Messie lui-même qui exécute le jugement ; ainsi Psaumes 2.9 ; 110.5-6 ; Esaïe 11.4, etc. Il en est de même au chapitre 2 de Daniel, où c'est la petite pierre qui fait crouler le colosse. Si ce trait n'est pas relevé ici en parlant de ce fils d'homme, c'est que celui-ci, conformément à la nature dramatique du tableau, n'apparaît que plus tard (verset 22).

      De la neige blanche : symbole de la sainteté parfaite (Marc 9.3).

      Ses cheveux comme de la laine pure : emblème de la majesté.

      Le feu est le symbole de la puissance à la fois vivifiante et consumante de Dieu ; cet insigne lui est fréquemment attribué dans l'Ancien Testament. Il est particulièrement relevé ici à cause du jugement qui va suivre (verset 11). Comparez pour toute cette description Apocalypse 1.12-16.

      Son trône... les roues ; comparez Ezéchiel 1.4-21 ; 10.12-13.

      10

      Un fleuve. Emblème de la vie divine qui se répand dans l'univers.

      Mille milliers ; une myriade de myriades. Cette multitude innombrable est celle des anges ; Deutéronome 33.2 ; 1Rois 22.19 ; Psaumes 103.20.

      Il s'assit pour juger : c'est la reprise de la narration du verset 9, interrompue par la description du tribunal. On pourrait traduire aussi : Et le tribunal s'assit ; mais cette traduction nous paraît moins exacte.

      Des livres ; comparez Apocalypse 20.12. Ces livres sont l'emblème de la toute-science de Dieu qui conserve la connaissance distincte de toutes les actions humaines. Le pluriel indique qu'il y a un livre particulier pour chaque homme. On pourrait expliquer ce pluriel en l'appliquant d'un côté au livre de la toute-science, de l'autre à celui du plan divin où sont inscrits les noms des héritiers du salut : le livre de vie. Mais il n'est pas fait mention ici du second.

      11

      Je contemplais... Ce redoublement d'attention est expliqué par la phrase suivante : à cause du bruit, etc. Il est bien remarquable que, quoique le tribunal soit déjà assis, la bête continue néanmoins à proférer des paroles orgueilleuses.

      La répétition du mot : je contemplais, et l'expression jusqu'à ce que, indiquent que cet état de chose, se prolongea un certain temps. Cette co-existence du tribunal et de la quatrième bête est un trait qu'il ne faut pas négliger. On voit que les faits ici énumérés ne sont pas absolument successifs, mais qu'ils se développent simultanément.

      L'animal fut tué, etc. Comparez 2.35, où la même destruction est décrite sous une autre image.

      12

      Mention rétrospective de la fin des trois premières bêtes.

      Quant au reste des bêtes. A l'occasion de la destruction de la quatrième bête, le prophète revient sur la disparition des trois précédentes. Il n'avait été parlé d'aucun jugement à l'égard de ces dernières ; il n'avait point été dit que la suivante eût dévoré chaque fois la précédente, ni que Dieu fût intervenu pour les détruire ; elles avaient simplement épuisé le temps qui leur avait été donné à chacune pour régner : Leur vie avait été fixée jusqu'à un temps et un moment. Ce terme déterminé. de Dieu une fois atteint, elles avaient disparu. Il en est tout autrement de la quatrième qui avait tout envahi. Par la révolte ouverte de la petite corne contre l'Eternel, elle attire sur elle un jugement de destruction proprement dit et avec son extermination disparaît toute puissance terrestre en général, pour faire place au règne divin. Comparez 2.35,45.

      13

      13 et 14 L'empire éternel donné par Dieu à un fils d'homme.

      Je contemplais dans les visions de la nuit. Cette formule reparaît ici pour la troisième fois (versets 2 et 7). C'est comme le troisième acte de la vision. Le premier se rapporte à l'apparition des trois premières bêtes, le second à la quatrième bête et à son jugement, le troisième à l'avènement du règne messianique. Chacun de ces morceaux commence par la même formule.

      Venant sur les nuées. Ce nouveau personnage vient du ciel. Mais la scène du jugement se passe sur la terre ou au-dessus de la terre. Comparez l'image de la petite pierre qui se détache du haut de la montagne et roule dans la plaine (2.45). Le cortège de nuées est dans l'Ancien Testament le privilège exclusif de Dieu ; comparez Esaïe 14.14 ; 19.1 ; Psaumes 18.10-19 ; 97.2-4 ; Nahum 1.3.

      Comme un fils d'homme. Le mot fils d'homme est synonyme de membre de la race humaine, ou d'homme simplement. Comparez 8.17 ; 10.16 ; Psaumes 8.5 ; Ezéchiel 2.1. Il est opposé ici à la fois à Dieu, à ange, et à bête. L'expression comme un fils d'homme est donc équivalente à : ayant une forme humaine, sans que ce terme affirme ou nie que celui auquel il s'applique possède l'humanité. Mais ce qui surprend Daniel, c'est qu'un être venant sur les nuées, comme Dieu, ait l'apparence simplement humaine et non pas un aspect divin, comme la figure contemplée par Ezéchiel, chapitre 1.

      Celui qui s'approche n'est pas désigné plus spécialement, mais il est impossible de voir en lui un autre personnage que le Messie. Seulement ce qui paraît étrange, c'est que dans l'explication de la vision, il ne soit plus fait mention de ce fils d'homme, mais seulement du peuple des saints auquel est donnée la royauté (verset 27.) C'est là la raison pour laquelle plusieurs ont cru devoir identifier le fils d'homme avec le peuple des saints, comme si ce dernier était ici représenté collectivement et personnifié dans le fils d'homme. C'est la même théorie qui consiste à faire du peuple d'Israël le serviteur de l'Eternel (Esaïe 42.1). Nous avons combattu cette idée à l'égard de ce dernier passage (voir la note) ; nous devons aussi la repousser ici. En effet, le peuple des saints apparaît comme combattant sur la terre (verset 25), avant la venue de ce fils d'homme sur les nuées, comme être céleste. Ce sont donc deux êtres distincts. Sans doute le peuple d'Israël est appelé aussi Messie ou oint (Psaumes 84.10 ; 89.39), mais ce ne saurait être à l'exclusion de son Messie, le chef de l'Israël spirituel. Aussi Jésus s'est-il attribué spécialement ce titre de fils d'homme (Matthieu 8.20 ; 24.30 ; 26.64, etc.).

      Le sens de cet emblème, comparé aux précédents, est manifeste. Par leur brutalité, les quatre bêtes représentaient sous divers aspects la tyrannique dureté des pouvoirs terrestres qui se soumettent les hommes par la force. La figure humaine de celui qui inaugure le règne de Dieu, révèle l'esprit de liberté et d'amour qui caractérisera, sous cette forme dernière, l'existence humaine arrivée à sa parfaite destination.

      On l'amena. Le sujet indéterminé peut être les nuées sur lesquelles il est porté, ou bien aussi les anges qui entourent son entrée sur la scène. L'étiquette orientale ne permet pas que l'on s'approche du souverain sans être introduit (2.25).

      14

      Il lui fut donné... Cet acte eut lieu sans doute par le fait que le Vieillard invita le nouveau venu à s'asseoir à sa droite (Psaumes 110.1 ; Marc 14.62 ; Ephésiens 1.20-21) et l'installa ainsi dans la charge de souverain et de juge du monde.

      Peuples, nations et langues. Comparez 3.4,29, etc.

      Une domination éternelle. Comparez les formules semblables appliquées à Dieu, 3.26 ; 4.34 ; 6.26, et Luc 1.33. C'est Dieu qui règne et juge par lui.

      Le fait contemplé prophétiquement par Daniel dans ces deux versets (13 et 14) est évidemment la venue du Christ dont les prophètes avaient si souvent parlé avant lui. Mais il faut observer qu'ici, comme souvent dans les tableaux prophétiques, la première venue du Sauveur pour l'établissement du règne messianique se confond avec sa seconde venue pour la consommation de ce règne. Il en est ici de l'établissement du règne comme il en est ailleurs de l'accomplissement du jugement. Ce qui est longuement préparé et ne se consomme que graduellement dans l'histoire du monde, est décrit sommairement comme s'accomplissant en une fois. Cependant la prophétie renferme un indice de la présence du royaume divin sur la terre avant le jugement final ici décrit. C'est la guerre que la quatrième bête fait aux saints (verset 21).

      15

      15 à 18 Explication générale de la vision.

      Le tableau des choses futures a disparu, mais l'état de vision continue jusqu'à la fin du chapitre.

      Moi, Daniel : nouvelle signature, au début d'une nouvelle partie du récit, donnée, ainsi que la première du verset 2, à cause de l'importance de la vision.

      Il fut troublé. Le trouble de Daniel ne provient pas du caractère mystérieux de la vision (verset 28), mais des souffrances des saints (verset 21) qu'il a contemplées.

      Au-dedans de moi ; littéralement, dans le fourreau. L'esprit est dans le corps comme un glaive dans son fourreau qu'il use en s'agitant.

      16

      L'un de ceux qui étaient debout ; un des anges (verset 10).

      Quelque chose de certain : l'explication authentique, conforme à la pensée de Dieu ; à l'exclusion des propres suppositions auxquelles il eût pu se livrer.

      17

      Quatre rois : en style prophétique, non des individus, mais des royaumes ; Comparez verset 23.

      S'élèveront. Sans doute la première monarchie existe déjà au moment où l'ange parle à Daniel ; elle est même près de son déclin ; mais ce temps futur du verbe est motivé par la réunion de cette première puissance avec les trois autres qui sont encore à venir.

      De la terre ; comparez verset 2, note.

      18

      Les saints du Très-Haut. Ce terme désigne tout le peuple messianique à ce moment-là, tel qu'il est décrit dans les prophètes antérieurs, comme comprenant l'Israël fidèle et ceux des Gentils que l'Eternel aura appelés à se joindre à lui.

      Il ressort des versets 13 et 14 que leur domination s'exercera sous le sceptre de leur roi, le fils d'homme.

      19

      19 à 27 Explication particulière sur la quatrième bête et le règne du fils d'homme.

      Les versets 19 à 22 ne sont pas une reprise de la vision, comme si elle recommençait sous les yeux du prophète. C'est le prophète lui-même qui expose et répète à l'ange tout ce qu'il vient de voir, en insistant sur certains points non mentionnés encore.

      Des griffes d'airain : détail nouveau.

      20

      Plus grande que ses compagnes : trait nouveau également.

      21

      J'ai contemplé... Le fait ici mentionné avait vivement frappé et ému le prophète, quoiqu'il n'eût pas été mentionné dans la vision même (versets 7 et 8). Cet antagonisme de la bête et des saints est sans doute dans cette vision le trait correspondant à la semence d'homme, dans le chapitre 2. Le caractère inassimilable de l'argile avec le fer dans les jambes et les pieds de la statue, est appliqué là à la présence d'une race d'hommes qui ne peut se confondre avec la masse de la population ; c'est ce même caractère qui se retrouve ici dans le peuple que combat la bête dans son propre sein. Elle a tout englobé, mais c'est là un élément obstinément résistant.

      Et l'emportait sur eux. Voilà sans doute ce qui causait l'angoisse de Daniel (verset 15).

      22

      Jusqu'à ce que le vieillard vint :... sur la terre. Comparez verset 9, note.

      Le jugement fut donné aux saints. La traduction : justice fut rendue, qui est grammaticalement possible, est moins naturelle. Ce trait fait comprendre pourquoi des trônes avaient été placés. Jésus et les apôtres enseignent que les saints jugeront le monde (Matthieu 19.28). Ce qui n'empêche pas que, comme le jugement s'accomplit au nom et par l'esprit du Christ, celui-ci ne soit désigné comme le seul juge, Jean 5.27, et cela parce qu'il est fils d'homme ; comparez Actes 10.42 ; 17.31, etc.

      23

      Comparez verset 7.

      24

      Comparez verset 8.

      25

      Contre le Très-Haut ; l'expression sienifie : en se mettant à côté du Très-Haut. C'est apparemment à ces discours que se rapporte la description de saint Paul : 2Thessaloniciens 2.4. Comparez Apocalypse 13.5.

      C'est également un empiétement sur les attributions divines que commet le roi en se proposant de changer les temps et la loi que Dieu a établis. Les temps et la loi désignent les ordonnances du peuple messianique à ce moment. 4.4, où il s'agit de l'abolition momentanée du sacrifice perpétuel et de la profanation du sanctuaire, l'application à Antiochus, le persécuteur de la nation juive, est évidente, mais les termes ne sont pas les mêmes qu'ici.

      Jusqu'à un temps, des temps et une moitié de temps ; comparez 12.7. Le terme de temps désigne une période dont la longueur n'est pas déterminée (comparez 4.16, note). Ce peut être une semaine, un mois, une année, ou tout autre espace de temps. Fixer la durée d'un temps à une année de 360 ou 365 jours, ou bien à une année d'années, à un espace de 360 ou 365 ans, ainsi que le font beaucoup d'interprètes, est entièrement arbitraire. On a trouvé dans cette indication une preuve de la composition du livre de Daniel sous les Maccabées, en ce sens que la persécution d'Antiochus a duré trois ans et demi. Mais, indépendamment des raisons que nous avons exposées, cette supposition soulève de très grandes difficultés que nous examinerons dans la conclusion. Les idées que nous paraît renfermer cette manière de diviser la durée totale de la persécution en un temps, des temps et une moitié de temps, sont les suivantes :

      1. Cette durée a été à l'avance mesurée et partagée par Dieu lui-même.
      2. Elle se divisera en trois périodes. Dans la première, représentée par l'unité (un temps), la puissance du persécuteur s'établira. Dans la seconde, désignée par la pluralité (des temps), elle se maintiendra et se développera ; enfin, dans la troisième, représentée par la moitié, il arrivera qu'au moment même où elle sévira en son plein et semblera devoir durer à toujours, elle sera brusquement brisée par la main de Dieu.
      3. L'intention symbolique de cette expression ressort encore plus clairement si nous admettons que par le second des termes, des temps, il faut entendre, deux temps. Le chiffre deux représente en effet la plus simple des pluralités, et du livre de Daniel lui-même il ressort que c'est bien là le sens de l'expression : des temps ; comparez les 1290 jours ou 3 trois ans et demi : 12.11. C'est à quoi reviennent aussi les 42 mois : Apocalypse 11.2 ; 13.5. La somme ainsi obtenue par l'addition des trois termes est précisément la moitié du chiffre qui représente une totalité complète : sept (3.19 ; 4.16). Une calamité qui durerait sept ans serait une calamité absolue, dans laquelle le persécuteur triompherait définitivement et dont nul n'échapperait (Matthieu 24.22), tandis qu'une calamité qui dure trois temps et demi, est une calamité dont l'auteur ne réussira qu'à moitié dans ses projets, et à laquelle met subitement fin une intervention divine qui fait que les fidèles peuvent échapper. Telle nous parait être la portée de cette expression symbolique. C'est en raison de ce sens que la sécheresse qui eut lieu du temps d'Elie est estimée, dans le Nouveau Testament, à trois ans et demi (Luc 4.25 et suivants ; Jacques 5.17), quoique, d'après le livre des Rois, la pluie soit déjà revenue la troisième année (1Rois 18.1). C'est là ce qui fait aussi que, dans l'Apocalypse, la durée de toute espèce de temps de deuil et de calamité, est ramenée a ce même total de trois et demi, soit sous la forme de trois et demi jours (Apocalypse 11.11) ; ou bien aussi sous celle de quarante-deux mois, soit 3 fois 12 et 6 mois (Apocalypse 11.2 ; 13.5) ; ou bien enfin sous celle de 1260 jours soit 3 fois 360 jours et 180 jours (Apocalypse 11.3 ; 12.6).

      26

      Comparez versets 9 à 11.

      27

      Comparez versets 13 et 14.

      Son règne est un règne éternel, etc. Cette formule, appliquée successivement à Dieu, puis au fils d'homme (voir verset 14, note), l'est ici au peuple des saints. De même que Dieu règne par le fils d'homme, celui-ci règne par le peuple des saints.

      28

      Conclusion.

      Voilà la fin. Daniel ne veut rien ajouter à la révélation qui lui a été faite ; il se borne à la transmettre fidèlement (comparez verset 2, note), et appose ici son sceau, pour ainsi dire.

      M'effrayaient. Comparez 8.27.

      Resta dans mon cœur. Comparez Luc 2.19.

      Remarques sur les chapitres 2 et 7.

      Nous concluons de l'étude des visions contenues dans ces deux chapitres :

      • Qu'entre les quatre Etats sortis des conquêtes grecques et la fin de l'économie présente, le prophète a contemplé une dernière monarchie, supérieure en force et en étendue à toutes les précédentes ; qu'il a vu cette monarchie se diviser, comme la précédente, en une multiplicité d'Etats, mais plus considérable encore (dix au lieu de quatre)
      • qu'il a vu le royaume messianique apparaître au temps de cette monarchie sous la forme la plus modeste (une petite pierre)
      • qu'il a vu le pouvoir dans lequel se concentre toute la puissance de la quatrième monarchie (la petite corne), lutter contre une partie de ses membres qui possèdent une nature différente et supérieure (les saints du Très-Haut, la semence d'homme) et s'efforcer en vain de s'assimiler cette race
      • qu'il a vu cette lutte aboutir à une révolte ouverte contre Dieu même
      • qu'il a contemplé premièrement, la destruction de ce pouvoir hostile à Dieu, et de la puissance terrestre en général (la petite pierre frappant les pieds de la statue, le vieillard et les saints jugeant la bête), et deuxièmement la substitution définitive du règne de Dieu (dans la personne du fils d'homme et des saints) aux empires humains.

      Nous demandons si un autre regard qu'un regard prophétique a pu avoir de telles intuitions, non pas seulement à l'époque où Daniel a vécu, mais même à celle des Maccabées ? Admettons, en effet, pour un instant, que celui qui décrit ces choses et qui a cru en leur accomplissement, n'est pas le prophète Daniel recevant une vision divine la première année de Belsatsar ; supposons, avec plusieurs représentants de la critique moderne, un Juif quelconque empruntant le nom de Daniel, au temps d'Antiochus, et écrivant ces pages dans le but d'affermir son peuple en lutte avec le roi persécuteur. Pour prévoir, comme il le fait, l'élévation extraordinaire de la puissance suivante, cet anonyme a dû posséder un singulier don de prévision politique. Mais ce qu'il faudrait plus admirer encore que la profondeur de ses vues qui lui fait soulever le voile de l'avenir, ce serait l'élévation extraordinaire de sa pensée. Il abandonnerait en effet totalement l'intérêt pressant du temps actuel pour se jeter dans une contemplation humanitaire qui n'aurait plus aucune relation directe avec la situation de son peuple opprimé. Et quelle contradiction enfin entre le caractère de ce faussaire et cet étonnant amour de la vérité qui le pousserait, pour consoler son peuple de la persécution présente, à lui en annoncer une dans l'avenir, plus épouvantable encore !

      L'hypothèse de la composition de ces chapitres sous les Maccabées soulève donc des objections insurmontables, et nous nous voyons conduits, par l'étude consciencieuse et impartiale du texte, à reconnaître avec l'Eglise de tous les temps que ces visions des chapitres 2 et 7 ne peuvent être que de vraies révélations prophétiques destinées à orienter le peuple de Dieu sur son avenir et celui du monde, dans le but d'assurer sa fidélité à travers toutes les crises de son histoire.

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