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Ecclésiaste 12

    • 1

      Huitième morceau, 1 à 10 : La joie recommandée au jeune homme.

      S'il faut se réjouir même au soir de la vie (11.8), combien plus au matin !

      Que ton cœur te rende content. C'est du cœur que procèdent les sources de la vie (Proverbes 4.23) ; aussi, à ce point de vue, peut-il être distingué du reste de la personne. Comparez 1.17 ; 3.18 ; 7.25.

      Marche comme ton cœur te mène. Libéralisme et largeur !

      Mais sache... Sérieuse restriction. Aime Dieu et fais tout ce que tu voudras, a dit saint Augustin, mais avant tout : Aime Dieu !

      Dieu te fera venir en jugement. L'on ne savait dans l'ancienne alliance jusqu'à quel point le triage commence dans le Schéol dès après la mort (9.5-6), mais Jésus a détruit le voile (Luc 16.19 et suivants). Toutefois le jugement définitif n'aura lieu qu'après des jours nombreux (11.8).

      2

      Bannis le chagrin..., éloigne la souffrance. Ne te livre pas à un esprit morose ou à un ascétisme de mauvais aloi. Comparez 9.7, note.

      La jeunesse et l'aurore sont vanité et ne durent pas, et tu as alors laissé passer sans en user le temps que Dieu t'avait donné pour être joyeux.

      Au lieu d'aurore, plusieurs traduisent : la chevelure noire, en opposition aux cheveux blancs (verset 5). En Chine, le peuple aux cheveux noirs est une expression consacrée pour désigner les jeunes gens. La forme abstraite qu'a le mot hébreu en question ne parle pas en faveur de ce second sens.

      3

      Souviens-toi, littéralement : Et souviens-toi, ce qui peut signifier : Mais souviens-toi, ou bien présenter la crainte de Dieu comme un moyen de plus d'avoir une jeunesse belle, joyeuse et brillante comme une pure aurore.

      De ton Créateur : littéralement : de tes créateurs, pluriel de majesté. Voir 5.8, note.

      Les jours mauvais, dépourvus d'agréments et pleins au contraire de privations et d'infirmités (versets 4 à 7), auxquelles la mort seule met un terme (versets 7 à 9).

      Je n'y prends point de plaisir. Dégoût de la vie. La vieillesse n'a plus de moyens de jouissance, mais beaucoup d'occasions de souffrance.

      4

      Et d'abord, triste disposition d'esprit du vieillard, qui voit tout en noir.

      La jeunesse a ses ondées, auxquelles succèdent de brillants jours de soleil ; la vieillesse, c'est l'hiver, où les nuages donnent la pluie et où la pluie reproduit les nuages.

      5

      5 à 7 Affaiblissement physique du vieillard, dont les membres, les uns après les autres, deviennent impropres à leur destination naturelle. Le corps est comparé à une maison (Job 4.19 ; 2Corinthiens 5.1 et suivants) dont le service commence à laisser à désirer et dont les diverses parties menacent ruine.

      Les gardiens : les bras et les mains, qui servent à détourner de la personne ce qui pourrait lui nuire et à lui procurer ce dont elle a besoin.

      Les hommes forts : les jambes, colonnes qui supportent tout l'édifice.

      Les meunières : les dents. Nous parlons aussi de dents molaires ; l'auteur dit : meunières, et non pas meuniers, parce que le soin de moudre le grain incombait le plus souvent aux femmes (Exode 11.5 ; Job 31.10 ; Esaïe 47.2 ; Matthieu 24.41 ; Luc 17.35). Ajoutons qu'il n'y avait pas de moulins publics, en sorte que l'Ecclésiaste peut mentionner ce travail comme faisant partie des occupations ordinaires de chaque ménage.

      Celles qui regardent par les fenêtres : les yeux par lesquels l'âme contemple le monde extérieur. Ce mot est en hébreu du genre féminin. Les paupières, avec leurs cils, sont comme les fenêtres, ou, plus exactement, les treillis à travers lesquels on regarde.

      Se voilent : manière très poétique d'indiquer le déclin de la vue.

      6

      Les deux battants de la porte : les lèvres (Job 41.5 ; Psaumes 141.3 ; Michée 7.5). Les vieillards parlent peu et n'éprouvent plus autant que les jeunes gens le besoin d'entrer en relation avec ce qui se passe au dehors (se ferment sur la rue).

      La meule : la langue.

      La voix d'un petit oiseau : la diminution de la voix, qui n'est qu'un glapissement.

      Toutes les filles du chant : les cordes vocales.

      7

      On s'effraie des hauteurs, on les redoute, parce qu'on s'essouffle facilement. Ceci est dans une relation intime avec ce qui précède.

      On a peur en marchant : on tremble même sur un chemin uni.

      L'amandier pousse ses fleurs : les cheveux blanchissent. Les fleurs de l'amandier deviennent absolument blanches vers le moment où elles tombent.

      La sauterelle devient pesante. Impuissance à se mouvoir et à agir.

      La câpre est sans effet. Les boutons du câprier (kapparis spinosa) sont en Orient un article de commerce assez important ; ils ont un goût âpre, stimulent l'appétit et excitent les sens ; mais le sens du goût est affaibli chez le vieillard.

      Les pleureuses. Voir Jérémie 9.17, note.

      8

      La respiration s'arrête. L'air vital qui descend dans les poumons et en remonte est comparé à l'eau vive qu'un seau va chercher au fond d'un puits.

      Cordon d'argent, vase d'or : non pas simple corde et seau de bois, mais métaux précieux, car la vie dépend de ce mouvement incessant de la respiration et c'est de Dieu que provient dans le principe ce souffle de vie.

      9

      Voir 3.19, note.

      Comme elle y avait été, littéralement : conformément au fait qu'elle y était dans le principe. Comparez Genèse 3.19 ; Psaumes 104.29 ; Job 34.15.

      Et que l'esprit retourne à Dieu : évidemment pas pour aller perdre sa personnalité dans le sein de la divinité, car il y aura un jugement (12.1).

      Qui l'a donné. Comparez Genèse 2.7 ; Psaumes 104.30 ; Esaïe 42.5 ; Jérémie 38.16.

      10

      Conclusion. Retour à 1.2

      11

      11 à 16 : Epilogue.

      On a supposé parfois que ces six versets n'étaient pas de l'auteur de l'Ecclésiaste, mais avaient été ajoutés postérieurement pour contrebalancer les paroles en apparence irréligieuses que l'on trouve dans le cours du livre et le terminer par une déclaration décidément orthodoxe et biblique. On allègue en faveur de cette opinion les raisons suivantes :

      1. L'Ecclésiaste a jusqu'ici parlé de lui-même à la première personne ; il se désigne ici à la troisième
      2. L'expression mon fils (verset 14) est étrangère à notre livre
      3. Enfin les éloges décernés à l'Ecclésiaste (versets 11 et 12) se comprennent mieux sous une autre plume que la sienne propre.
      Ces raisons ne sont cependant pas décisives. En face de son écrit achevé, l'auteur peut fort bien parler de lui-même à la troisième personne, tandis que, dans le cours de son livre, s'adressant à ses auditeurs, il parlait à la première. L'expression mon fils s'est présentée à lui tout naturellement comme personnification de ses jeunes lecteurs, auxquels il vient de s'adresser (12.1 et suivants) et auxquels il s'intéresse tout particulièrement. Il n'y a absolument rien dans les éloges des versets 11 et 12 que l'Ecclésiaste n'ait pu dire de lui-même en toute modestie. Il n'aurait pas écrit un pareil livre, s'il ne se fût cru sage et capable d'enseigner la sagesse aux autres. Il déclare avoir cherché à être vrai dans le fond et agréable dans la forme. Ce ne sont pas là des choses qu'un auteur ne puisse dire de lui-même sans blesser la loi de l'humilité. Nous savons qu'à la fin du premier siècle de notre ère il se tînt à Jabné un synode Juif dans lequel il s'éleva entre les deux principales écoles juives de ce temps une discussion sur le droit de l'Ecclésiaste à figurer dans le Canon. Il résulte de plusieurs passages du Talmud que, si le parti favorable au maintien de ce livre dans le Canon l'emporta, ce fut grâce aux derniers versets, qui par conséquent en faisaient déjà partie.

      Le verset 13 pourrait faire supposer que l'épilogue s'applique au livre des Proverbes en même temps qu'à l'Ecclésiaste. En effet, il y est parlé de nombreuses maximes composées par l'Ecclésiaste. On en trouve sans doute un certain nombre dans les chapitres 6 et 10, de telle sorte que l'Ecclésiaste aurait été envisagé comme un supplément des Proverbes. Mais le terme de nombreuses est bien fort pour s'appliquer uniquement à celles qui se trouvent dans ces quelques chapitres. C'est là ce qui a fait penser à quelques interprètes, que l'épilogue s'appliquait à la fois à l'Ecclésiaste et au livre des Proverbes, qui, dans l'ancien Canon juif, précédait immédiatement celui de l'Ecclésiaste. Le verset 13 pourrait, il est vrai, s'appliquer au livre des Proverbes, mais non le verset 12, qui parle des sentences composées par l'auteur même de l'Ecclésiaste.

      13

      Comme des aiguillons : terme exprimant avec force l'impression profonde que laissent dans le cœur certaines sentences bien frappées.

      Comme des clous bien plantés : demeurant solidement enfoncés dans l'intelligence et devenant chaque jour comme le clou auquel on suspend les objets, le point auquel se rattachent des réflexions nouvelles.

      Ils sont donnés par un seul berger, (Genèse 49.24 ; Psaumes 23.1).

      14

      14 à 16 L'auteur estime que la pensée fondamentale de son livre, le compte, final à rendre par chacun, bien imprimée dans le cœur, suffit à l'homme. Ce peu, c'est tout.

      Conclusion :

      De tous les livres de l'Ancien Testament, c'est celui-ci peut-être qui a été l'objet des plus nombreuses et des plus graves accusations. Sous le rapport de la forme, on lui reproche de manquer d'ordre, de revenir assez souvent sur des points déjà traités ou du moins déjà touchés, et de n'être pas fidèle à la fiction par laquelle, à son début, il emprunte le personnage de Salomon. Pour le fond, on prétend qu'il est sans convictions arrêtées (scepticisme), qu'il vante à tout propos le plaisir (épicurisme) et qu'il voit toutes choses sous des couleurs désespérément sombres (pessimisme). Reprenons les uns après les autres ces divers points.

      Nous reconnaissons de grand cœur que l'Ecclésiaste est fort éloigné de présenter un ordre extérieur et un plan qui s'imposent. Jamais ouvrage ne fut plus diversement divisé par ses commentateurs, et il n'est peut-être pas deux de ces derniers qui aient adopté de tous points les mêmes coupures. Nous n'avons nous-mêmes proposé une division quelconque que pour faciliter l'étude du texte ; mais nous avons souvent senti que tel verset, par lequel nous terminions un morceau, aurait pu, avec un égal bon droit, être considéré comme ouvrant ou du moins préparant le morceau suivant. Fréquemment il y a de l'imprévu dans la succession des idées. On dirait par places d'une causerie, non pas à bâtons rompus, mais libre et absolument étrangère à la rigueur d'une division logique et préméditée. Cependant, au sein de cette liberté d'allures, il serait parfaitement injuste de ne pas distinguer une marche positive, un progrès réel. Sans doute, la vanité de toutes les choses d'ici-bas demeure l'idée fondamentale et maîtresse de tout l'ouvrage. Tout est vanité, tel est le refrain des derniers comme des premiers chapitres. Mais tout lecteur impartial sentira qu'à mesure qu'on avance l'horizon s'éclaircit, l'épais brouillard du début se dissipe peu à peu ; le soleil se laisse pressentir, la pensée de Dieu, après avoir été absolument absente ou du moins ignorée, apparaît et s'impose toujours davantage. Sous ce rapport, le livre marche et, pris en bloc, offre un indiscutable progrès, un ordre réel.

      Mais, dans le détail, pourquoi ces fréquents retours en arrière vers des idées déjà exprimées ? L'exhortation à la jouissance ne revient pas moins de six ou sept fois sous la plume de l'Ecclésiaste. A deux reprises (5.8 et 8.2), le lecteur est mis en garde contre l'esprit de révolte. Deux fois également (8.14), l'auteur constate que la prospérité est loin de marcher toujours de concert avec la vertu et la justice.

      Nous avons déjà examiné la plus fréquente de ces répétitions et nous sommes arrivés à ce résultat, que toujours ce refrain : Il n'y a de bien pour l'homme que de se réjouir, de manger et de boire, est présenté sous un profil particulier et ramené avec une intention spéciale. Voir 8.15, note.

      De même, dans 5.8, c'est au nom du caractère sacré du serment que l'Ecclésiaste blâme les rébellions contre l'ordre établi, tandis que, dans 8.2, il présente toute révolte comme un attentat à l'autorité du Maître suprême, de qui seul relèvent les rois.

      Quant à la recommandation de craindre Dieu (3.14 ; 5.7 ; 7.18 ; 8.12 ; 12.15), elle est comme le regard toujours de nouveau jeté, au milieu des difficultés et des injustices du temps présent, sur la boussole qui peut seule maintenir le croyant dans la route du devoir et lui faire éviter tous les écueils.

      Pour ce qui est de la fiction par laquelle l'auteur, au début, emprunte le personnage de Salomon, il est très vrai qu'il ne tarde pas à s'en affranchir et que, à mesure qu'il avance dans sa composition, il parle toujours plus en son propre nom.
      Ce parti pris de mettre, comme on a dit, ses pensées pessimistes et sceptiques sous le couvert de Salomon, il y tient fort peu. Il y renonce à chaque instant. Le personnage qu'il fait parler s'explique d'abord, sans doute, d'une manière qui convient bien au fils de David. Mais bien vite l'auteur laisse là un artifice littéraire qui l'eût entraîné à des redites fatigantes. A partir du chapitre 4, il oublie qu'il a mis en scène Salomon ; il cesse de prendre sa fable au sérieux. C'est bien lui qui nous parle pour son propre compte, quand il nous raconte les tristesses de sa vie solitaire, les peines qu'il s'est données pour faire fortune, les préoccupations qui l'obsèdent en ce qui touche ses héritiers. Quelques développements seraient absolument déplacés ou même dénués de sens dans la bouche d'un souverain (4.13 et suivants ; 5.8 et suivants). De telles libertés de composition se retrouvent aussi dans le livre de Job. Ces grandes et belles œuvres antiques se mettent bien au-dessus de nos chétifs soucis de vraisemblance littéraire. Les personnages y sont médiocrement constants avec eux-mêmes. La préoccupation de la destinée humaine est si grande chez les fortes âmes, que les mesquines attentions d'unité et de composition littéraire sortent vite de leur esprit. Leur fiction n'est pour eux qu'un jeu, qu'un prétexte.

      Cette citation de Renan (L'Ecclésiaste, pages 7 à 9) est à la fois l'exposé complet et la forte réfutation de la chicane qu'on a faite à notre livre sous ce rapport particulier.

      Arrivons maintenant aux critiques de fond.

      Est-il vrai, tout d'abord, que notre auteur soit un homme dénué de toute conviction arrêtée et qu'il mérite le nom de sceptique ? On l'a prétendu ; nous venons de l'entendre de la bouche d'un sceptique moderne qui, précisément pour cela, trouve cet ouvrage l'un des plus charmants que nous ait légués l'antiquité. Toute la sagesse elle-même est vanité et poursuite du vent (1.18). Nul est l'avantage de l'homme sur la bête (3.19), tout comme celui du sage sur l'insensé (6.8). Etre mort vaut mieux que d'être vivant ; et n'avoir pas vécu, mieux que l'un et que l'autre (4.2-3). L'homme ne sait pas même ce qui est bon pour lui pendant sa vie (6.12). Que de justes on pourrait prendre pour des méchants, à en juger d'après ce qui leur arrive (8.14) ! N'y a-t-il pas parti pris à ne vouloir absolument pas entendre parler de scepticisme à propos d'un livre où se rencontrent de pareilles déclarations ?

      Nous ne le pensons pas. Renan lui-même reconnaît que dans ses plus grandes folies l'Ecclésiaste n'oublie jamais le jugement de Dieu. Parallèlement à cette série de passages, où s'exprime le découragement de l'auteur, il en est une autre qui proclame hautement l'existence d'un Dieu tout-puissant, souverain arbitre de toutes choses, d'un Dieu qui est éternel, en sorte que l'homme, créé à son image, a, inébranlablement implantés dans le cœur, l'instinct et le besoin des choses éternelles et invisibles (3.11), d'un Dieu vivant qui réclame, non pas de vides cérémonies (5.1) mais un culte en esprit, continuellement vivifié par les sentiments du cœur, d'un Dieu juste enfin qui, une fois ou l'autre, fera définitivement triompher la justice (3.17 ; 12.16), en sorte qu'il faut le craindre et qu'on ne saurait assez tôt se souvenir de Lui.

      Ces deux courants sont-ils dans notre livre le fait d'un esprit partagé, qui ne serait pas au clair avec lui-même et qui, suivant l'humeur du moment, parlerait tantôt en croyant, tantôt en philosophe ? Faudrait-il même aller plus loin encore et voir dans ces points de vue divers une discussion entre deux interlocuteurs qui se contredisent ? Non ! l'auteur est unique : d'un bout à l'autre c'est l'Ecclésiaste et l'Ecclésiaste seul qui parle. Seulement il parle tantôt selon les apparences des faits extérieurs considérés a première vue, tantôt d'après sa foi bien arrêtée. Ainsi 3.19 : Le sort des fils des hommes et le sort de la bête est un même sort. A vue humaine et d'après le témoignage des sens, qu'un homme ou un animal meure, c'est, dans l'un comme dans l'autre cas, un souffle qui n'est pas suivi d'un autre souffle. Voilà le fait sensible ; mais par la foi l'on sait que l'un de ces esprits monte et que l'autre descend.

      Il ne serait pas équitable non plus de parler de l'épicurisme d'un homme qui présente continuellement les joies de cette vie comme un présent du ciel (2.24 ; 3.13 ; 5.18 ; 7.13), qui sait que le travail est le plus sûr moyen de se procurer ces joies et ces avantages (3.22 ; 11.6), et qui met ses lecteurs soigneusement en garde contre les passions et contre ce penchant à mal faire qui est dans le cœur de l'homme (8.11). Il recommande la joie comme l'antidote du découragement que produiraient les expériences pénibles de la vie, considérées à elles seules.

      Reste le pessimisme de notre auteur. On prétend qu'il voit toutes choses sous les plus sombres couleurs, qu'il est un vrai désespéré et qu'à ses yeux le dernier mot de l'histoire est vanité. Ici deux remarques.

      Il convenait qu'un livre au moins, parmi les documents de la révélation préparatoire, fût consacré à exposer de front les maux et les obscurités de la vie et à les dépeindre dans toute leur réalité. Il fallait qu'à côté de Job, qui étudie le problème de la souffrance du juste, un sage vint en toute vérité montrer ce que le péché a fait de l'existence humaine. Ce long cri : Vanité des vanités, tout est vanité ! devait être poussé, étant donné que les temps approchaient où l'immortalité et les réalités éternelles allaient être mises en évidence. Le voilà, le vide immense que comblera l'Evangile ! L'Evangile ne serait pas une bonne nouvelle, s'il ne répondait à un besoin si profond, à une ignorance !
      L'Ecclésiaste, écrit Oehler, à la dernière page de sa Théologie de l'Ancien Testament, appelle une révélation nouvelle et forme ainsi une transition toute naturelle entre l'ancienne et la nouvelle alliance. L'âme qui a poussé tous les soupirs de notre livre est prête à recevoir les grâces du Nouveau Testament, ces biens éternels que les prophètes n'ont fait qu'annoncer et qui seuls répondent aux aspirations les plus intimes des sages de tous les pays et de tous les temps.

      D'ailleurs, dans cette obscurité, il y a des points lumineux. Nombreux, sans doute, seront les jours de ténèbres dans le sépulcre, et la mort n'introduit pas encore auprès de Dieu (11.8), le pécheur a, par la patience divine, le temps de faire cent fois le mal, et ses jours sont prolongés. Mais l'Ecclésiaste n'en sait pas moins de science certaine que les fidèles se trouveront bien d'avoir craint devant la face de Dieu (8.12). Et le jugement final ne serait pas rappelé comme il l'est (12.1,16), s'il ne devait y avoir pour tous qu'une seule et même issue, le néant.

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