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Esaïe 8

    • 1

      8.1 à 9.6 Emmanuel, libérateur du peuple de Dieu.

      Ce morceau appartient à la même période que le précédent, celle de la guerre syro-éphraïmitique ; mais il est sans doute, un peu plus récent (voir les notes 8.4,6).

      1 à 4 Les deux signes prophétiques de la ruine de Damas et de Samarie.

      Un grand tableau. On se servait, pour écrire, de tablettes de bois ou de métal enduites de cire, sur lesquelles on traçait les caractères avec un poinçon (Luc 1.63). Ici, l'inscription devant être d'assez grande dimension pour attirer l'attention, et rester exposée un certain temps aux yeux du public, on peut supposer qu'elle fut plutôt gravée dans le bois (comparez Ezéchiel 37.16 et suivants).

      En caractères lisibles, littéralement avec un poinçon d'homme, c'est-à-dire en écriture ordinaire, lisible pour tous (Habakuk 2.2), en opposition à une écriture courante et pour ainsi dire sténographique (Psaumes 45.2) que chacun n'aurait pas pu lire. Comparez Apocalypse 21.17 ; 2Samuel 7.14 : mesure d'homme, verge d'homme, pour dire : une mesure, un châtiment ordinaire.

      Hâtez le pillage ! Butinez vite ! Ces paroles sont la traduction des mots hébreux : Maherschalal-Chaschbaz. Elles se rapportent à la prochaine dévastation des royaumes de Syrie et des dix tribus par les Assyriens (verset 4).

      2

      Je pris des témoins... L'inscription, devant servir à constater plus tard l'époque précise où Esaïe a prédit les événements qu'elle annonce, doit être mise en place en présence de témoins (deux témoins, Deutéronome 19.15). Le prophète remet à l'avenir le soin de prouver la vérité de ses paroles, mais il prend ses précautions pour que, le moment venu, la démonstration ne laisse rien à désirer. Comparez Jérémie 32.10-15. Les témoins choisis sont deux hommes considérés : Urie, sans doute le grand-prêtre qui fut plus tard complice de l'idolâtrie d'Achaz (2Rois 16.10-16), et qui ne pouvait être suspect de complaisance pour Esaïe ; Zacharie, probablement le Lévite mentionné 2Chroniques 29.13.

      3

      Le second signe (versets 3 et 4) se rattache étroitement au premier (verset 1). Les paroles de l'inscription servent de nom au second fils du prophète. Comme son aîné (7.3, note ; 10.21), cet enfant est le signe, la vivante prophétie du salut. Son nom renferme une promesse : celle de la très prochaine délivrance de Juda par la ruine de ses deux ennemis.

      4

      Le terme fixé ici pour l'accomplissement de la prophétie est celui d'une année environ. Ce terme est plus court que celui qui avait été fixé 7.16 pour le même événement ; la naissance d'Emmanuel (si c'est de lui qu'il est question 7.15-16) et celle de Maherschalal ne pourraient donc en aucun cas, dans la pensée du prophète, avoir lieu à la même époque. Par cette raison, il nous paraît impossible de les identifier, comme l'ont proposé quelques interprètes ; identification que la différence des noms rend d'ailleurs inadmissible.

      Les richesses de Damas et le butin de Samarie. Tiglath-Piléser (7.4, note) prit Damas après un long siège, conquit la Syrie, en déporta les habitants et fit mourir Retsin (2Rois 16.9). Il détacha du royaume des dix tribus la Galilée et les districts situés à l'est du Jourdain, et emmena les habitants de ces contrées en Assyrie (2Rois 15.29). Samarie elle-même ne fut prise que plus tard. Il faut donc appliquer l'expression : butin de Samarie, au tribut très considérable que, d'après les inscriptions de Ninive, le conquérant assyrien imposa au royaume d'Ephraïm (40 talents d'or et 1000 talents d'argent) ; ou bien il faut admettre que le nom de Samarie, pris dans un sens large, désigne tout le pays dont cette ville est la capitale.

      5

      8.5-9.6 Le seul ennemi qui mérite d'être redouté, c'est celui que le prophète a signalé déjà, l'Assyrien que lui-même, Achaz, a appelé (7.17-25). En prévision de la période qui va s'ouvrir, Esaïe exhorte et console son peuple : il cherche à tourner ses regards vers le rédempteur dont il lui dépeint le glorieux règne, éclatant soudain comme une céleste lumière au sein des plus profondes ténèbres. Le discours 8.5-9.6 n'est que le développement de la promesse implicitement renfermée dans le nom d'Emmanuel (7.14 ; 8.8-10) ; ce nom résume la pensée de tout ce morceau.

      5 à 8 Parce que le peuple de Juda a méprisé l'assistance de Jéhova, pour appeler à son secours les Assyriens, ceux-ci viendront, mais pour sa perte.

      6

      Ce peuple : le peuple de Juda.

      Les eaux de Siloé. La source de Siloé qui a donné sort nom au village bien connu (Luc 13.4), jaillit à l'extrémité sud de la colline du temple, au point de rencontre de la vallée du Tyropéon et de celle du Cédron, et alimente le réservoir de Siloé (Jean 9.7) : Ce ruisseau, qui coule doucement au pied même du temple, résidence de Jéhova est ici le symbole de la bénédiction divine, qui agit et sauve d'une manière invisible et sans bruit. Achaz et son peuple ont méprisé l'assistance de Dieu pour recourir à celle de l'Assyrie ; ils ont préparé par là leur propre châtiment (verset 7). Comparez Jérémie 2.13.

      Se réjouit au sujet de Retsin... Ces mots, qui ont beaucoup exercé la sagacité des commentateurs, s'expliquent très simplement, si on les suppose prononcés alors que déjà Tiglath-Piléser s'avançait, à l'appel d'Achaz, contre Damas et Samarie. A la nouvelle de son approche, Jérusalem était dans la joie, et l'on y triomphait d'avance de la défaite de Retsin et de Pékach (déclarée certaine par Esaïe lui-même, verset 4), avec autant de légèreté qu'on avait été prompt à se désespérer (7.2). Esaïe dissipe les illusions du peuple : Vous vous réjouissez de votre alliance avec les Assyriens ! Votre joie sera courte, car, après vous avoir délivrés, ils deviendront les auteurs de votre perte !

      7

      Les grandes eaux du fleuve (l'Euphrate), opposées ici aux paisibles eaux de Siloé, représentent l'armée conquérante des Assyriens. Israël a méprisé Siloé et appelé l'Euphrate à son aide ; l'Euphrate le submergera.

      8

      Le déploiement de ses ailes. Les ailes du fleuve sont ses flots débordés qui s'étendent sur le pays à droite et à gauche de son lit.

      Ton pays, ô Emmanuel ! Emmanuel est clairement désigné ici comme celui auquel la Terre Sainte appartient. Son droit est violé par l'invasion étrangère. Ce passage établit le sens messianique de 7.14.

      9

      9 à 16 Ne crains point, Juda, lorsque tu vois tes ennemis se liguer contre toi ; car Dieu est avec nous ! Aussi m'a-t-il appris à ne point partager les frayeurs du grand nombre, à ne craindre que lui seul. Cet enseignement divin doit être gravé dans le cœur des disciples de Jéhova.

      10

      Equipez-vous... formez un projet. Ce défi s'adresse aux ennemis du peuple de Dieu, ici spécialement aux Assyriens, dont les projets ne viseront à rien moins qu'à la destruction totale de Juda (10.7 et suivants).

      Dieu est avec nous, traduction littérale du mot Emmanuel. Cet enfant est le garant de la délivrance.

      11

      Quand sa main me saisit. Cette expression indique le moment où le prophète est arraché par l'action de l'Esprit de Dieu à l'empire de ses propres inspirations (comparez Ezéchiel 1.3 ; 3.14 ; 8.1 etc.). Il s'agit sans doute ici de l'heure où Esaïe reçut la révélation consignée au chapitre 7. En ce moment solennel, la voie de la confiance en Dieu seul lui fut révélée comme celle du salut, tandis que celle de la confiance dans les hommes, que suivaient Achaz et le peuple, lui apparut comme la voie de la perdition (7.9).

      12

      Ne dites point... L'exhortation s'adresse à Esaïe et aux fidèles qui l'entourent (verset 16).

      Ce que ce peuple appelle conjuration. Le peuple a tremblé à la nouvelle de l'alliance de la Syrie et d'Ephraïm ; le prophète ne s'en est pas ému (7.2-7) : il ne peut y avoir, contre Juda, de conjuration efficace, puisque Dieu est avec lui.

      13

      Sanctifiez l'Eternel : donnez-lui dans votre cœur et dans votre vie la place à part, la place souveraine qui lui revient ! Sa crainte alors bannira toute autre crainte, et vous ne l'offenserez pas en vous méfiant de ses promesses (30.15-16 ; Jérémie 1.17).

      14

      Pour ceux qui le sanctifieront, Dieu sera un sanctuaire, c'est-à-dire un refuge inviolable au jour de la calamité (25.4). Pour les autres, à Jérusalem aussi bien qu'à Samarie, il sera une pierre d'achoppement, contre laquelle ils viendront se briser : leur sens charnel se heurtera à ses dispensations, et ils tomberont dans l'incrédulité ; sur cette voie ils rencontreront le jugement de Dieu qui les anéantira ; un filet et un piège : au moment où ils croiront échapper au péril par le secours des Assyriens, ils tomberont dans le piège que la justice de Dieu et leur propre folie leur a préparé : ils seront pris et emmenés captifs. Comparez Osée 14.9 ; Matthieu 21.44 ; Romains 9.33.

      16

      Scelle la loi dans mes disciples. Esaïe apparaît ici entouré, d'un cercle de fidèles, qui sont non pas tant ses disciples que ceux de Jéhova. Il doit déposer et sceller en eux, c'est-à-dire dans leurs cœurs, l'enseignement divin (Jérémie 31.33-34). Cet enseignement est la révélation même qui vient d'être donnée, versets 11 à 15. Nous constatons ici le fait important de la formation d'un groupe fidèle se séparant de la masse incrédule, dont Dieu détourne sa face (verset 17). C'en eût été fait d'Israël, s'il n'avait pas existé, dans son sein, une communauté invisible de croyants, qui gardaient dans leur cœur la parole de Dieu méprisée par la foule.

      17

      17 à 22 Esaïe demeure, avec les siens, ferme dans la foi au témoignage de Dieu il invite les fidèles à imiter son exemple ; ceux qui suivront une autre voie périront.

      18

      Voir les notes 7.3 et 8.3. Esaïe lui-même est un signe, plus encore par sa prédication que par le nom qu'il porte (Jéhova sauve).

      19

      Quand ils vous diront : ils, la masse du peuple (comparez 2.6) ; vous, les fidèles.

      Ceux qui évoquent les morts... Citation de Deutéronome 18.10-11, où Moïse énumère et condamne toutes les espèces de divination. Le terme hébreu traduit par ceux qui évoquent... désigne proprement une outre ; de là, le ventre de l'évocateur, dans lequel était censé habiter l'esprit du mort, puis cet esprit lui-même, ou aussi l'homme par lequel il parlait (1Samuel 28.7-8).

      Devins. L'hébreu signifie ceux qui savent et désigne soit les esprits, soit ceux qui les faisaient parler.

      Qui marmottent. La ventriloquie jouait un grand rôle dans ces sortes de cérémonies. Les évocateurs s'efforçaient d'imiter la voix faible et sourde que l'on attribuait aux morts (vox exigua des ombres, dans Virgile, Enéide VI, 493).

      20

      A la loi et au témoignage ! Les vivants, au lieu de s'adresser aux morts (verset 19), ne se tourneront-ils pas plutôt vers le Dieu vivant qui leur envoie, par son prophète, sa loi et son témoignage ? Ces deux expressions se rapportent à la révélation qui précède (voyez verset 16), et qui n'est, au fond, que la reproduction et l'application de la loi donnée par Moïse. Revenir à ce témoignage divin, c'est l'unique moyen du salut. Car, pour le peuple incrédule, il n'y a attendre qu'une nuit sans aurore, une nuit que ne traverse aucun rayon de lumière, c'est-à-dire un châtiment sans consolation et sans soulagement.

      21

      21 et 22 Le peuple est décrit ici sous les traits d'un homme chassé çà et là par l'angoisse.

      Il errera... affamé : à travers le pays ravagé par l'ennemi (versets 7 et 8).

      Son roi et son Dieu. Au lieu de s'accuser lui-même, il accusera l'Eternel qui le châtie. Comparez Apocalypse 16.9,11,21.

      Il regardera en haut... vers la terre... Cela signifie : où qu'on regarde, au ciel (peut-être vers les astres que ces idolâtres ont adoré) ou sur la terre, nulle part on ne voit poindre le secours. Comparez verset 30.

      23

      8.23-9.6 La scène change brusquement (comme 4.2). Esaïe se transporte au-delà du châtiment accompli. Le salut brille soudain comme une vive lumière au sein des ténèbres les plus épaisses. Israël est délivré ; toute trace de l'oppression disparaît. Cette victoire est due à un enfant divin, qui, héritier de David, relève le trône de son ancêtre pour y régner éternellement.

      Le car porte sur l'idée de la nuit sans aurore, où sera plongé le peuple incrédule, dont Esaïe vient de décrire la détresse (versets 21 et 22) : Sur vous viendra la nuit sans aurore, car c'est sur d'autres que luira, à son lever, la lumière du salut.
      Le peuple de Juda, que la lumière du témoignage divin éclairait encore au temps d'Esaïe, tombe dans une nuit complète, tandis que la partie de la nation qui en était presque entièrement privée, est illuminée (8.23-9.1). Comparez Jean 9.41.

      Zabulon, et Nephthali occupaient l'extrémité septentrionale de la Palestine. Zabulon habitait entre le lac de Génésareth et la Phénicie ; Nephthali était limité au sud par Zabulon, à l'est par le Jourdain, au nord par l'Anti-Liban. Cette même région est désignée à la fin du verset par trois expressions :

      • le chemin de la mer, la rive occidentale du lac de Tibériade, appelé dans l'Ancien Testament mer de Kinnéreth ou Génésareth ; c'est le territoire de Zabulon ;
      • la contrée d'au-delà du Jourdain : le pays situé à l'orient de ce fleuve, la Décapole des temps postérieurs ;
      • le district des Gentils, (Guelil-haggoïm) : on appelait Galil (cercle, district) ou Galila un territoire appartenant à Nephthali et situé à l'extrême nord de la Terre Sainte. Il porte ici le nom de mépris : district des Gentils.
      La population en était fortement mélangée de païens : beaucoup de Cananéens y étaient demeurés après la conquête (Juges 1.33) ; Salomon donna au roi de Tyr une partie de ce territoire (1Rois 9.11-13, où l'on peut voir que ce district n'était pas plus en honneur chez les païens que chez les Israélites). Eloignée de Jérusalem, entourée de païens de trois côtés, cette contrée était particulièrement exposée aux invasions étrangères. Aussi la Galilée (ce nom désigna plus tard toute la partie septentrionale de la Palestine) fut-elle la première province conquise par les païens (2Rois 15.29). Après la captivité, elle continua à compter une nombreuse population étrangère (voir 1 Maccabées, chapitre 5, le triste état des Juifs qui l'habitaient). De là le peu d'estime que l'on avait pour la Galilée au temps de Jésus (Jean 1.46 ; 7.41,52). Esaïe promet que l'opprobre qui pèse sur cette région, sera, au dernier temps (au temps du salut messianique ; 2.2), changé en gloire ; et le Talmud, se fondant sur cette prophétie, dit que le Messie sera manifesté en Galilée. On sait comment la promesse s'est accomplie. Jésus a consacré à la Galilée la plus grande partie de son ministère ; Capernaüm fut sa ville (Matthieu 4.13-16 ; 9.1) ; et le nom de Galiléen fut dans l'antiquité, synonyme de celui de chrétien.

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