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Exode 15

    • 1

      1 à 21 Le Cantique de la délivrance

      Nous avons ici, non pas la plus ancienne composition poétique des Hébreux (voir la bénédiction de Jacob, Genèse 49.1-28), mais le plus ancien de leurs cantiques, qui nous ait été conservé. On en retrouve les échos dans la poésie des âges suivants, ce qui est d'autant plus naturel que la délivrance d'Israël de sa première servitude resta à jamais pour lui le gage et l'inauguration de toutes ses victoires futures ; comparez Osée 2.15 ; Esaïe 12.2, et plusieurs psaumes, par exemple Psaumes 118.14 Dans l'Apocalypse le cantique de Moïse est chanté, avec celui de l'Agneau, au bord de la mer de cristal, par ceux qui ont vaincu la Bête (Apocalypse 15.3).

      Il ne nous paraît pas que ce cantique puisse se subdiviser en strophes régulières ; mais on peut y distinguer deux parties : l'une parle de la délivrance qui vient d'avoir lieu (4 à 12) ; l'autre des grâces nouvelles que Dieu va accorder à son peuple (13 à 18). Certains traits de cette dernière partie (voir surtout le verset 17) ont fait penser à plusieurs interprètes qu'elle ne pouvait avoir été, composée que plus tard, après la construction du temple sur la colline de Sion par Salomon. Mais il est peu probable qu'un poète postérieur qui aurait composé ce cantique y eût introduit des expressions qui n'auraient eu de sens qu'au temps du roi Salomon. Il y a dans ce morceau une énergie d'expression, une vivacité d'images, une fraîcheur de sentiment qui ne s'expliquent guère que par l'impression d'un témoin immédiat. D'ailleurs, même sans tenir compte du don prophétique, les expressions qui donnent lieu à la supposition d'une composition postérieure, peuvent s'expliquer si l'on se rappelle que l'auteur attendait le prochain établissement du peuple en Canaan (autrement pourquoi emporterait-on en ce moment même les os de Joseph ?) et qu'il devait attendre aussi l'érection d'un sanctuaire où Dieu habiterait au milieu de son peuple. Ce sanctuaire ne pourrait être placé que sur l'un de ces lieux élevés, de ces hauts lieux ou l'on adorait la divinité. Il est probable en soi, et les expressions du verset 1 : Moïse et les fils d'Israël, paraissent le confirmer, que l'auteur du cantique n'est autre que Moïse.

      Moïse et les fils d'Israël. Sans doute Moïse entonnait les paroles et le peuple les répétait en les chantant ; puis après chaque verset (Psaumes 136.1-26) les femmes entonnaient le refrain avec l'accompagnement des instruments ; comparez versets 20 et 21.

      Je veux chanter... C'est une invitation que chacun s'adresse à lui-même ; dans le refrain (verset 21 : chantez... ) l'invitation est adressée par chacun à tous.

      3

      L'Eternel est un guerrier. C'est lui seul qui avait combattu, selon l'expression employée 14.14.

      5

      Comme une pierre. C'est l'image d'une disparition instantanée ; la même pensée revient au verset 10 sous une autre image. On croit surprendre ici l'impression produite par la vue de ce fait émouvant sur un témoin de la scène. Dans les monuments égyptiens, les capitaines d'élite sont représentés avec une armure d'airain qui leur couvre le corps et les membres jusqu'aux coudes et aux genoux. Ils devaient donc disparaître instantanément, sans qu'on les vit lutter un instant contre les flots.

      7

      Ton courroux les consume comme du chaume. Même image Esaïe 5.24 et suivants

      8

      Voir à 14.22, note.

      10

      Ton haleine : le vent, qui probablement changea subitement de direction à ce moment-là (14.27 ; comparez verset 21).

      11

      Qui est comme toi... ? Comparez Psaumes 86.8 De telles expressions ne supposent pas que ces dieux des païens soient aux yeux de l'auteur de réelles divinités ; comparez Psaumes 115.4-8 Elles signifient : Lequel de ces dieux qu'adorent les païens pourrait faire pour ses adorateurs ce que tu fais pour les tiens ?

      Redoutable à louer. C'est la traduction littérale ; l'expression est difficile par sa concision. Le sens paraît être celui-ci : Dieu est si grand qu'on ne peut même le louer qu'en tremblant devant lui. Comparez Psaumes 65.2

      13

      La première partie du cantique exprimait l'émotion produite par le spectacle dont le peuple venait d'être témoin ; dans la seconde les regards se portent vers l'avenir ; l'auteur voit en esprit la marche du peuple à travers le désert et l'établissement en Canaan auquel elle doit aboutir.

      Et d'abord, versets 14 à 16, l'effroi des peuples voisins témoins des miracles de Dieu pour son peuple délivré. Comparez les paroles de Rahab aux espions israélites, Josué 2.9-11

      14

      Les Philistins sont nommés les premiers, comme les plus rapprochés.

      17

      Voir la note en tête du chapitre.

      Tu les implanteras. Même image Jérémie 24.6 ; 42.10 ; Amos 9.15 ; Psaumes 44.3 ; et plus développée Psaumes 80.9

      Les passés : as fait, ont érigé, si l'on admet la composition du cantique immédiatement après le passage, doivent s'expliquer comme anticipations prophétiques. Autrement il faudrait admettre que ces expressions proviennent d'adjonctions postérieures, comme par exemple versets 20 et 21 dans le Psaume 51. Mais cette supposition est invraisemblable (les expressions sont trop concises), et elle n'est nullement nécessaire si un prophète tel que Moïse est l'auteur du cantique.

      19

      On joint quelquefois ce verset au cantique ; mais à tort. C'est une notice historique qui y était ajoutée dans le document d'où le narrateur l'a tiré. Ce document pouvait être soit le Livre des batailles de l'Eternel, d'où a été tiré un autre passage poétique (Nombres 21.14), soit le Livre du Juste, cité Josué 10.43 et 2Samuel 1.18

      20

      Marie la prophétesse. Il est fait allusion à son don de prophétie Nombres 12.2. Marie n'est mentionnée que rarement dans le Pentateuque et n'est rappelée qu'une seule fois dans le reste de la Bible (Michée 6.4).

      Le tambourin ou tambour de basque était un instrument habituellement joué par les femmes (Psaumes 68.26 ; Jérémie 31.4), qui s'en accompagnaient en dansant ; comparez Juges 11.34 et 1Samuel 18.6, où les tambourins et les danses sont employés, comme ici, pour célébrer des victoires. On voit par là qu'au chant de ce cantique se rattacha une grande fête nationale par laquelle le peuple célébra son indépendance miraculeusement obtenue.

      21

      Marie donnait le ton au chœur des femmes, comme Moïse à celui des hommes (verset 1).

      22

      22 à 27 De Mara à Elim

      Le voyage d'Israël dans le désert pourrait se jalonner par les murmures du peuple. Il y en a trois avant l'arrivée au Sinaï (dans l'Exode) et sept après le Sinaï (dans les Nombres). Les trois premiers, ayant eu lieu avant l'Alliance, n'ont pas été punis ; les autres le furent sévèrement : comparez la première et la dernière apparition des cailles (Exode 16.13 et Nombres 11.31) ; la première et la dernière disette d'eau (Exode 17.1 et Nombres 20.2).

      De l'autre côté de la mer, un peu au sud de l'endroit où avait eu lieu le passage, se trouve une oasis qui porte encore aujourd'hui le nom de Ayoun-Mousa, source de Moïse. Le regard se repose sur les tamarix, les palmiers et les acacias et sur un frais tapis de verdure entretenu par l'eau d'une source assez abondante. Cet endroit fut sans doute le centre du premier campement du peuple dans la presqu'île du Sinaï. Il devait être à ce moment de l'année dans toute la beauté de sa parure printanière et correspondre au sentiment de joie et de reconnaissance qui remplissait le cœur des Fils d'Israël. Ce fut certainement là que fut célébrée la fête nationale, dont il vient d'être parlé.

      Le désert de Sur, appelé désert d'Etham Nombres 33.8 (voir 13.20). C'est la plaine basse et sablonneuse qui s'étend de la Méditerranée (à l'est du Delta) jusqu'à la latitude du milieu de la mer Rouge,

      23

      Mara (amertume) A soixante-cinq kilomètres (trois journées de marche) au sud d'Ayoun-Mousa se trouve un lieu nommé aujourd'hui Hawara, où l'on voit un bassin de 2 à 3 mètres de diamètre, contenant une eau fort amère : c'est là sans doute qu'il faut placer Mara. La provision d'eau emportée d'Ayoun-Mousa, n'ayant pu être renouvelée dans la contrée déserte qu'on venait de traverser, était épuisée, et l'espoir de trouver enfin de l'eau potable est cruellement déçu. On comprend le désespoir de cette multitude. Il est probable qu'il y avait là d'autres sources, mais de même nature, et qui ont été dès lors recouvertes par les sables.

      24

      Quel contraste avec 14.31 ! Comme l'a dit Luther, nous nous trouvons d'ordinaire au bout de notre foi en même temps que de nos provisions.

      25

      Lui indiqua un bois. On connaît en Inde, sur la côte de Coromandel, un arbre nommé hellimaram qui a la propriété d'adoucir l'eau amère ; les Tamules en garnissent le fond de leurs puits. Les Péruviens ont coutume d'emporter avec eux en voyage une autre plante nommée yerva qui a la même propriété. Mais, d'après les voyageurs, aucune plante ne paraît être connue des Arabes sur la côte de la mer Rouge. M. de Lesseps dit cependant que les Arabes se servent dans ce but d'une espèce d'épine-vinette (voir Hours with the Bible, de Geikie). En tout cas le surnaturel ne consista, d'après le récit, que dans la révélation que Dieu fit à Moïse de ce moyen que nul ne connaissait.

      Qu'il lui donna une prescription : c'est-à-dire que Dieu prit occasion de cette première épreuve de la foi d'Israël pour lui faire une recommandation qu'il devait mettre en pratique dans toutes les épreuves qu'il aurait à subir pendant ce voyage pénible, celle du verset 26.

      Il l'éprouva, ou le tenta, signifie qu'il mit sa foi à l'épreuve ; comparez Deutéronome 8.2

      26

      Le sens est : Si tu es obéissant à mes directions, comme je viens d'assainir cette eau, je te guérirai aussi de toutes les maladies dont tu as pu emporter le germe d'Egypte.
      Il s'agit autant, dans la pensée de Dieu, des maladies morales (l'idolâtrie surtout, avec ses conséquences) que des maladies physiques.

      C'est donc à ce moment-ci qu'après les merveilles de grâce accomplies pour son peuple, Dieu commence son éducation, éducation sévère qui exigera de la part d'Israël obéissance et foi, mais dans laquelle Dieu s'engage à mettre à son service sa toute puissance miséricordieuse. Ce moment est solennel ; il est fortement marqué par ces versets 25 et 26.

      27

      A dix kilomètres au sud de Hawara (Mara), le voyageur rencontre une oasis semblable à Ayoun-Nousa, le Wadi Gharandel. C'est là selon toute apparence la station désignée du nom d'Elim. Ce nom signifie arbres et lui fut sans doute donné par le peuple. Ce wadi est aujourd'hui la principale étape des caravanes qui vont de Suez au Sinaï. Un voyageur l'appelle un petit paradis. Il s'y trouve un courant d'eau limpide et permanent ; des sources nombreuses sourdent sur les bords de ce ruisseau qui descend de la chaîne voisine d'Er-Raha. Un voyageur y avait compté en 1855 quatre-vingts palmiers. Un autre en 1874 y en trouva dix vieux et trente jeunes ; les vieux portaient les traces d'un commencement de destruction par le feu.

      Peut-être y a-t-il dans les nombres douze et soixante-dix de notre récit une allusion aux douze tribus et aux soixante-dix Anciens du Peuple. Il est certain que l'on fit une station de plusieurs jours dans ce lieu de repos. Elim n'était que le centre du campement qui s'étendait sans doute dans les vallées voisines, Wadi Useit, Ethal et Jasibeh, au sud de Gharandel, qui ont toutes de bons pâturages. Lorsque le peuple quitta Elim, il y avait déjà près d'un mois qu'il avait quitté l'Egypte (16.1) ; cela prouve qu'il y avait eu des arrêts en plusieurs endroits et que les principales stations sont seules indiquées.

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