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Exode 3

    • 1

      1 à 10 Le buisson ardent

      Jéthro est-il le même que Réuël (2.18) ? Il n'est point nécessaire de l'admettre ; car le mot hébreu chôten, que l'on a traduit par beau-père, se dit également du beau-frère ou du gendre, en un mot de tout parent par alliance, de sorte que Jéthro (peut-être le même que Hobab, Nombres 10.29) peut fort bien avoir été le fils de Réuël et son successeur.

      Mais rien n'empêche non plus d'admettre que Réuël et Jéthro soient une seule et même personne et de voir dans un de ces deux noms, peut-être même dans chacun des deux, un titre plutôt qu'un nom propre.

      Réuël : familier de Dieu serait le titre du sacrificateur, et le titre de Jéther : Excellence, 4.18 ou Jéthro : son Excellence correspondrait de sens au titre actuel de Iman, chef de tribu.

      Conduisit le troupeau... Le district de Sherm, où Jéthro parait avoir habité, est aride ; aussi, de nos jours encore, à l'approche de l'été, les bédouins de ce pays-là conduisent leurs troupeaux au Nord-Ouest, à trois ou quatre journées de marche, dans le district de Sinaï, qui est plus élevé et où les pâturages sont bons et l'eau abondante.

      2

      L'ange de l'Eternel, c'est-à-dire suivant le sens habituel de cette expression : Dieu se manifestant (mais non s'incarnant) sous une forme visible. Voir sur le sens de ce terme l'appendice en fin du chapitre 21 de Genèse.

      Du milieu des buissons. Le mot hébreu sené est le nom d'une sorte d'acacia épineux et velu, commun dans ces montagnes et qui leur a peut-être valu leur nom de Sinaï. Le mot hébreu au singulier a ici un sens collectif, ce qui explique l'article. Du milieu du taillis s'élevait la flamme provenant du buisson en feu.

      Le feu est un des faits de la nature qui nous représentent le mieux ce que Dieu est : lumière, chaleur, vie, détruisant ce qui est vil, purifiant ce qui est précieux. Aussi l'Esprit de Dieu est-il apparu à la Pentecôte en langues de feu et Dieu est-il appelé, un feu consumant (Exode 24.17 ; Deutéronome 4.24, etc.).

      Moïse remarque que le buisson enflammé demeure cependant complètement intact. C'est donc là un feu d'une nature particulière qui n'a besoin d'aucun aliment extérieur et qui s'entretient par lui-même. Dieu veut donner par là le magnifique emblème de ce qu'il est lui-même, comme la vie absolue, indépendante de toute matière, se reproduisant incessamment elle-même. C'est l'illustration de l'essence divine telle qu'il va la révéler à Moïse, en se désignant par le nom de Jéhova, Je suis (verset 14).

      On a voulu voir dans le buisson qui ne se consume pas l'image du peuple d'Israël qui, même dans la fournaise de la persécution égyptienne, ne périt point. Mais ce sens est contraire à l'expression hébraïque d'après laquelle le buisson en feu représentait l'ange de l'Eternel. D'ailleurs, il ne serait pas naturel que Dieu fût représenté comme sortant du milieu du peuple, ainsi que le feu du milieu des buissons. Enfin Dieu veut révéler ici à Moïse non ce qu'est Israël, mais ce qu'il est lui-même.

      5

      Ôte tes sandales. Les Orientaux (tant chrétiens que musulmans) ont toujours eu et ont encore la coutume de se déchausser avant d'entrer dans un lieu saint, apparemment afin de ne pas mêler à une terre sainte la poussière d'une terre profane.

      6

      La dénomination par laquelle Dieu se désigne ici, est comme un pont jeté sur l'intervalle de quatre cents ans pendant lequel il ne s'était pas manifesté à Israël.

      Parce qu'il craignait ; comparez 1Rois 19.13 ; Juges 13.22, etc. L'idée qu'on ne peut voir Dieu et vivre (Exode 23.20), se retrouve chez les Grecs dans la fable de Sémélé. Chez les Hébreux, ce n'est pas seulement la puissance de Dieu qui fait craindre à l'homme de le voir ; c'est surtout la conscience de son état de péché (Esaïe 6.5). Quand un homme voit Dieu sans mourir, c'est par une grâce spéciale (Exode 24.11).

      7
      8

      Spacieuse : à l'inverse de l'Egypte, qui n'est que la bande de terrain fertilisée par les inondations du Nil.

      Découlant de lait et de miel. Ces deux produits sont particulièrement abondants en Palestine ; au reste, cette expression est proverbiale chez les auteurs anciens pour désigner un bon pays ; Dathan et Abiram l'appliquent à l'Egypte (Nombres 16.13).

      Le Cananéen... La terre promise est désignée dans le Pentateuque par les noms de quelques-uns des peuples qui l'habitent, énumérés ici au nombre de six, ailleurs au nombre de dix (Genèse 15.19-21), de sept (Deutéronome 7.4), de cinq (Exode 13.5) ou de deux (Genèse 13.7). D'autres fois, ils sont représentés par le nom d'un seul qui doit avoir été le principal, les Cananéens (Genèse 12.6).

      11

      3.11 à 4.17 Résistance de Moïse à l'appel de Dieu. Réponse de l'Eternel.

      Qui suis-je ? Ces premières paroles de Moïse marquent bien le changement qui s'est opéré en lui depuis sa première entreprise. Rien n'est maintenant plus éloigné de lui que la présomption. Il pousse même la défiance de lui-même jusqu'à refuser la mission de libérateur de son peuple qu'il avait jadis ambitionnée.

      12

      Ce signe semble ne pas répondre à son but, puisqu'il consiste en un fait qui n'aura lieu qu'après l'accomplissement de la promesse. Aussi n'est-il point un signe proprement destiné à servir de preuve. C'est l'indication d'un fait futur qui, s'il se réalise en effet, implique l'accomplissement de toutes les promesses que Dieu fait ici à Moïse :
      Dans ce lieu même où je te parle en ce moment, au pied de cette montagne que tu contemples de tes yeux vous me servirez, toi et tout le peuple.
      Ce qui veut dire : Tu peux envisager l'un de ces faits comme aussi certain que l'autre.

      13

      Ne devait-il pas suffire de dire aux Israélites : Le Dieu de vos pères ? Pourquoi supposer qu'ils demanderont son nom ? Il faut bien se rappeler que ce peuple avait vécu quatre siècles au milieu d'une nation idolâtre et qui lui était très supérieure en civilisation. N'ayant probablement aucun culte régulier, devenu dans la pratique idolâtre lui-même (comparez l'histoire du veau d'or ; Amos 5.26 ; Josué 24.14), il n'avait plus qu'un souvenir assez vague du Dieu qu'avaient adoré ses pères.

      Comme le polythéisme n'avait pas régné chez ceux-ci, leur Dieu était pour eux la divinité en général, Elohim, sans nom particulier, tandis qu'en Egypte chaque dieu avait son nom déterminé et même plusieurs noms, selon ses attributs divers. Aussi un écrivain ancien appelle-t-il l'Egypte la patrie des noms des dieux. On comprend ainsi la question à laquelle s'attend Moïse de la part du peuple sur ce Dieu de leurs pères, au nom duquel il se présentera à eux. Quels sont ses attributs ? A quelles manifestations peuvent-ils s'attendre de sa part ? Par quels moyens soutiendra-t-il la lutte avec Pharaon et ses dieux ? Voilà tout ce que doit leur faire comprendre son nom, révélation de son être et de son pouvoir.

      14

      Je suis Celui qui suis. Le temps du texte hébreu n'est pas le présent, qui n'existe dans cette langue qu'au participe (étant, faisant). C'est le temps de l'action imparfaite, inachevée, c'est-à-dire qui continue : Je suis et serai. Ce qui fait que l'on a parfois traduit par le futur ; Je serai celui que je serai.

      Mais l'existence actuelle est nécessairement renfermée dans ce temps du verbe, comme base de l'existence, future : Je suis (et serai) celui qui est (et sera). Dieu veut-il se désigner par là comme l'incompréhensible :
      Je suis qui je suis, pour dire : Seul je me connais moi-même ? ou comme l'être parfaitement libre : je serai tout ce qu'il me plaira d'être à chaque moment ?

      Mais ce serait là un refus d'explication, et non la réponse que Moïse réclame en vue de la mission que Dieu lui confie. On pourrait plutôt voir dans ces mots l'idée de la fidélité divine : Je suis et reste ce que je suis, toujours fidèle à moi-même et à mes promesses. Mais la parole suivante : JE SUIS m'a envoyé vers vous, accentue uniquement l'idée d'être et détermine le sens de celle qui la précède.

      Le vrai sens ne peut donc être que celui-ci : Je suis celui qui existe par nature, qui ne tient son existence d'aucun autre, qui est l'existence même. C'est l'idée de l'indépendance absolue, en vertu de laquelle Dieu n'est déterminé par quoi que ce soit hors de lui, et tout ce qui est, au contraire, n'existe que par un acte de sa volonté, ne possède l'existence que comme son don et dépend absolument de lui.

      L'application de cette idée à la situation présente est manifeste. Cette Parole renferme la garantie de sa victoire sur Pharaon, ses dieux, ses enchanteurs, ses armées, bien plus, de son triomphe futur sur toutes les puissances, terrestres et supérieures, qui pourront s'opposer à lui et à son peuple. C'est la déclaration de guerre à outrance à tout polythéisme et à toute exaltation de la créature. C'est le fondement de l'histoire qui va commencer, celle de l'établissement du règne de Dieu sur la terre.

      On a cru trouver dans un passage du Livre des morts une parole semblable à cette déclaration divine dans l'Exode. Mais il y avait là une erreur de traduction manifeste. (Ed. Naville.)

      JE SUIS m'a envoyé. Ce nom : JE SUIS, préparé par l'explication précédente, est la réponse précise à la question : Quel est son nom ?
      Ce nom est en réalité celui de Jahvé (que nous prononçons Jéhova, d'après une tournure employée chez les Hébreux pour éviter de prononcer et de profaner le nom sacré). Seulement Jahvé est la troisième personne : Il est : c'est ainsi que l'homme parle de Dieu ; tandis que Dieu dit ici : Ehjé, Je suis, à la première personne, parce que c'est lui qui parle de lui-même.

      Ce nom de Jahvé est paraphrasé par l'Apocalypse (1.1) en ces mots : Celui qui est, qui était et qui vient ;
      qui est : qui possède l'être dans sa plénitude et qui le communique à tout ce qui est ;
      qui était : qui l'a possédé au commencement et qui s'est déjà manifesté précédemment (Dieu des pères) ;
      qui vient : qui continuera à se manifester de plus en plus complètement (le sens futur de ehjé).

      15

      Si le nom par lequel Dieu se désigne dans le verset précédent fait appel à la foi des Hébreux, le nom de Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob donne à cette foi un point d'appui en leur rappelant que, quoique Dieu veuille se révéler à eux d'une manière, nouvelle, il sera pourtant toujours encore tel que leurs pères l'ont connu.

      16

      Les Anciens (ou vieillards) étaient les chefs héréditaires des corps de famille ou branches (mischpachoth) dont se composait chaque tribu. Cette magistrature toute patriarcale s'est conservée sous le même nom chez les Arabes (cheik, vieillard, ancien).

      Je vous ai visités... C'est l'accomplissement de ce qu'avait prédit Joseph (Genèse 50.24). L'ange de l'Eternel apparaissant à Moïse, après une longue période privée de révélations, lui rappelle les dernières paroles de Joseph, le dernier homme qui eût possédé l'esprit, de prophétie.

      18

      A trois journées de marche. Il y a 220 kilomètres, c'est-à-dire au moins six jours de marche, de Suez au Sinaï. Ici, Dieu ne demande à Pharaon que de laisser aller le peuple jusqu'à l'entrée du désert pour y célébrer son culte hors d'un pays idolâtre et de manière à ne pas offenser les Egyptiens (8.23). Pharaon pouvait sans risque accorder cette demande. Mais Dieu sait que Pharaon refusera et que ce refus sera le moyen dont il se servira pour délivrer entièrement Israël.

      22

      Demandera. Grâce à une traduction fautive de 12.35, on s'est fait une difficulté de ce passage en supposant qu'il s'agissait ici d'un emprunt, et d'un emprunt fait sans intention de restituer, ce qui a donné lieu à des critiques fâcheuses et à des apologies plus fâcheuses encore. Il n'est point ici question de demander en prêt ; car, au moment du départ des Israélites, les Egyptiens, qui les pressaient eux-mêmes de partir, entendaient bien qu'ils ne revinssent pas, et ce fut sans doute pour les faire partir plus vite qu'ils leur accordèrent les objets précieux qu'ils demandaient (12.33, 35,36).

      Les femmes israélites sont autorisées ici, non à emprunter, mais à demander ce que les Arabes appellent de nos jours un bakchiche (présent). Dieu se sert de cette habitude orientale pour faire donner aux Israélites une indemnité à laquelle ils ont droit. Et même il s'agit moins ici du profit que de l'honneur, du principe. Israël ne devait pas sortir d'Egypte en fugitif, ou en payant une rançon comme un esclave qu'on affranchit (comparez Esaïe 45.13) ; il devait en sortir en vainqueur ; car l'Eternel avait combattu pour lui. Il fallait que ce fût l'Egypte qui payât l'évacuation de son territoire, et qu'en signe de victoire Israël emportât du butin. Cette intention est clairement indiquée par les derniers mots du verset :
      Et ainsi vous dépouillerez l'Egypte.

      Vous les mettrez sur vos fils... En Orient, de nos jours encore, les gens de la campagne conservent l'argent qu'ils gagnent en en chargeant les bras, les oreilles et le cou de leurs enfants, soit sous forme d'objets d'orfèvrerie, soit même simplement sous celle d'argent monnayé.

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