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1 Ă 14 De l'esprit du riyaume des cieux.
En cette heure-là désigne le moment qui suivit le récit précédent.
- La question des disciples pouvait avoir été occasionnée par la distinction accordée à Pierre (Matthieu 16.18) et à deux de ses condisciples. (Matthieu 17.1)
D'après Marc (Marc 9.33 et suivants) et Luc, (Luc 9.46 et suivants) ils discutaient entre eux la question, et c'est Jésus qui leur demande le sujet de leur entretien.
La question suppose que les disciples en étaient encore à l'idée d'un royaume terrestre, glorieux, dans lequel tels d'entre eux occuperaient la première place, seraient plus grands (grec) que les autres.
Mais la réponse de Jésus montre qu'il voit se manifester dans leur discussion une préoccupation égoïste et orgueilleuse.
Les pauvres disciples n'en furent pas guéris par l'instruction qui va suivre (Comparer Luc 22.24)
Ce qui fait le charme du petit enfant, c'est le sentiment qu'il a de sa faiblesse, de sa dépendance ; c'est encore la confiance avec laquelle il regarde à sa mère, attend tout d'elle, l'écoute, l'interroge, la croit, l'aime.
Les dispositions naturelles de l'homme sont tout l'inverse, soit Ă l'Ă©gard de Dieu, soit envers le prochain.
Donc, pour redevenir moralement semblable au petit enfant, (Matthieu 5.3 ; 11.25) il faut qu'il se convertisse (grec se retourne) vers Dieu et soit rendu participant de son Esprit. Sinon, il s'exclut du royaume des cieux non seulement dans sa réalisation future et glorieuse, (Matthieu 5.20 ; 7.21) mais déjà dans sa manifestation actuelle, et cela à cause de la nature même de ce royaume. (Comparer Jean 3.3,5)
Ainsi recevoir avec amour, protéger, soigner un seul de ces petits, c'est le recevoir lui-même, pourvu que cela ait lieu en son nom, par amour pour lui. (Matthieu 25.40)
- La pensée de Jésus se borne-t-elle ici aux petits enfants, ainsi recommandés à la charité de ses disciples, ou cette pensée se généralise-t-elle pour embrasser aussi les adultes humbles, petits, délaissés ? Les exégètes se divisent sur cette question. Mais pourquoi ? N'est-il pas dans la nature de la charité que Jésus recommande de s'étendre à tous ? Le contexte d'ailleurs ne laisse aucun doute à cet égard. (verset 6)
- Une meule de moulin (grec meule d'âne) est la pierre d'un moulin mise en mouvement par un âne, plus grande que celle qu'on faisait tourner à la main.
- La redoutable pensée de ce verset est qu'il vaudrait mieux subir une mort cruelle que d'occasionner la ruine d'une seule âme.
Mais ni l'une ni l'autre de ces causes n'atténue la responsabilité de l'homme par qui le scandale arrive.
- Jésus répète ici ce sérieux avertissement dans une application différente. A Matthieu 5, il s'agit de se préserver soi même du mal par le renoncement et au prix des plus douloureux sacrifices ; ici, le même avertissement est donné, mais dans l'intérêt moral des faibles, qu'on ne doit pas induire au mal par un mauvais exemple. (versets 6,7)
Du reste, il ne faut pas matérialiser ces images de manière à ne voir dans le précepte de Jésus, avec plusieurs interprètes, que la mortification des sens ; il a trait aux passions les moins charnelles, aux affections les plus élevées, dès qu'elles mettent en danger la vie de l'âme.
- Jésus donne comme motif de sa recommandation une parole sur laquelle on a discuté longuement. Les uns, symbolisant la pensée, la réduisent à signifier que ces petits qu'il ne faut pas mépriser sont précieux aux yeux du Père céleste, qui en prend un soin particulier. Cette pensée, vraie dans sa généralité, ne saurait suffire à l'exégèse qui ne doit jamais effacer, dans un intérêt dogmatique, l'idée exprimée en un texte.
Or Jésus dit :
1° Ces petits ont leurs anges, d'où l'on a conclu que Jésus adopte et sanctionne l'idée israélite d'anges protecteurs, veillant sur des royaumes ou des personnes. (Comparer Daniel 10.13,20,21 ; Genèse 28.12 ; 32.1 ; 48.16 ; Actes 12.15)
2° Ces anges voient sans cesse la face du Père, expression empruntée aux usages des cours orientales, et qui signifie avoir libre accès auprès du souverain, être puissant auprès de lui. (2Rois 25.19 ; 1Rois 10.8 ; 1.14 ; comparez Luc 1.19)
On ne peut nier que ces idées soient plus ou moins clairement exprimées dans le texte ni affirmer qu'elles soient contraires aux enseignements du Nouveau Testament. (Comparer Hébreux 1.14)
Seulement, quand il s'agit d'un domaine sur lequel nous avons si peu de lumières, il faut user d'une grande réserve et ne pas édifier des systèmes sur un passage isolé.
Tischendorf et d'autres critiques l'omettent, le supposant emprunté à Luc 19.10, où il se trouve plus complet.
Toutefois, les arguments contre l'authenticité ne sont pas décisifs, et de Wette fait observer avec raison que ce verset est la transition nécessaire à la parabole qui suit. S'il est authentique, il forme un puissant argument en faveur de la recommandation du verset 10 : Ne pas mépriser les petits, car "le Fils de l'homme est venu pour les sauver." (Voir Luc 19.10, note.)
Si Matthieu la rapporte plus abrégée et dans une autre situation que Luc, il lui assigne pourtant une place très naturelle, entre les exhortations qui précèdent et la déclaration qui suit. Au reste, Jésus peut bien avoir employé plus d'une fois dans ses enseignements des images ou de courtes paraboles telles que celle-ci.
Ces paroles renferment la grande et miséricordieuse révélation qu'auprès de Dieu il n'y a point de décret de réprobation.
Quelle est la liaison de l'instruction qui débute par ces mots avec celle qui précède ? Ce sont deux faces d'un même sujet : la charité ne permet ni de scandaliser ni de mépriser les petits et les faibles ; (versets 1-14) quelle conduite inspirera-t-elle à celui qui, au lieu de faire un mal pareil, aura à le souffrir ?
C'est cette conduite que Jésus retrace dans ses phases diverses. (versets 15-17) En l'exposant, il généralise sa pensée, et embrasse ce qui concerne les rapports mutuels entre frères dans la même communauté. Si l'un pèche contre l'autre, l'offense, lui fait tort, celui-ci doit d'abord aller, sans attendre que son frère revienne à lui, le reprendre, l'avertir, lui représenter son tort, mais seul avec lui, condition importante de prudence et de charité meilleur moyen de le gagner en évitant de blesser son amour-propre.
- Mais cette interprétation suppose authentiques les mots contre toi, qui manquent dans Sin., B, etc., et que plusieurs critiques omettent. Si on les supprime, il ne s'agirait point d'une tentative de réconciliation entre deux frères, mais en général d'une répréhension fraternelle pour une faute quelconque.
Cependant les autorités sur lesquelles on se fonde pour ce retranchement ne sont point décisives. Ensuite, c'est bien de réconciliation et de pardon des offenses que Jésus a dû parler, (comparez Luc 17.3) s'il en était autrement, on aurait peine à comprendre la question de Pierre (verset 21) qui paraît occasionnée par le discours précédent. Il faut donc retenir les mots contre toi.
Gagné, à quoi ? Les uns répondent : gagné à toi, tu auras fait ton frère de celui qui t'avait offensé, vous serez réconciliés dans la charité.
D'autres assignent à l'action conciliatrice un but plus élevé, et interprètent : Tu l'auras gagné pour Dieu, pour la vie de l'âme, qu'il était en danger de perdre. Pourquoi n'admettrait-on pas l'une et l'autre de ces explications ? (Comparer 1Corinthiens 9.19 ; 1Pierre 3.1)
D'après Meyer, les témoins doivent recueillir chacune des paroles de l'accusé pour les confirmer devant l'Eglise. Mais c'est empiéter sur la troisième phase (vers. 17), aussi Weiss pense-t-il que les témoins doivent plutôt appuyer la répréhension de leur autorité, s'efforcer de convaincre ce frère comme l'indiquent les premiers mots du verset 17 : "S'il ne les écoute pas..."
Termes empruntés au langage des Juifs pour désigner un étranger qui n'appartient point au peuple de Dieu. Cet homme qui prétend être un frère, a résisté à tous les moyens de conviction, méprisé l'avis et la décision de tous ses frères et même l'autorité du Sauveur qui a donné cette instruction, par là il s'est exclu lui-même de leur communion.
Il ne s'agit pas d'une excommunication prononcée par l'Eglise, qui seule pourtant en aurait le droit, Jésus autorise simplement l'offensé qui a tout fait pour gagner son frère, à n'avoir plus de relations fraternelles avec celui qui s'endurcit dans son impénitence. La charité toutefois ne saurait cesser, (verset 22, note) car un chrétien aime même un païen et un péager.
L'autorité conférée (Matthieu 16.19) à Pierre, l'est ici, non seulement aux anciens de l'Eglise, mais à l'Eglise elle-même, (verset 17) dans laquelle réside, d'après tout le Nouveau Testament, le pouvoir de juger de ce qui concerne son gouvernement, selon la Parole et l'Esprit de Dieu.
L'Eglise peut, en certains cas déléguer ses pouvoirs, mais c'est à elle qu'ils appartiennent sous l'autorité suprême de Jésus Christ. Cette seconde déclaration explique et modifie profondément la première relative à l'apôtre Pierre.
- Pour trouver le vrai rapport entre ces deux derniers versets et ce qui précède, il faut simplement les appliquer d'abord au pouvoir que Jésus vient de conférer à l'Eglise (vers. 18), pouvoir qu'elle ne peut exercer que dans un esprit de prière.
Bien plus : par cette solennelle déclaration qu'il est au milieu d'elle, Jésus dit clairement qu'elle agit sous sa direction, et avec son autorité, sans laquelle elle n'en aurait aucune.
- Ces paroles nous montrent aussi que la notion chrétienne d'une Eglise ne réside ni dans le grand nombre, ni dans telles ou telles institutions, mais que deux ou trois croyants unis par la prière sont une Eglise, à laquelle appartiennent tous les privilèges spirituels du plus grand corps ecclésiastique.
- Enfin, il ne faudrait pas limiter les belles et riches paroles du Sauveur à ces deux enseignements spéciaux sur l'activité et la constitution de l'Eglise. Il généralise sa pensée, et sa déclaration a surtout pour but de rendre certaine pour nous l'efficacité de la prière en commun, dans laquelle la foi de chacun est vivifiée par la foi de tous. Cette efficacité est garantie par la présence du Seigneur lui-même au milieu de ceux qui sont assemblés en son nom. En effet, cette toute-présence de Jésus-Christ, en tous les lieux du monde où s'assemblent ses disciples, est une démonstration magnifique de sa divinité. (Comparer Matthieu 28.20 ; 2Corinthiens 13.5)
Les rabbins, dans leur morale, se bornaient à trois fois. La réponse de Jésus va prouver à son disciple que sa morale, à lui était tout autre.
- Au lieu de septante fois sept fois, (490), d'autres traduisent septante sept fois, ce qui est possible d'après le grec qui porte littéralement : septante fois (et) sept. (Comparer Genèse 4.24 où l'on trouve dans les Septante la même indication numérique que dans notre passage.)
Mais septante-sept fois n'est pas un renchérissement naturel sur sept ; ce serait septante fois. La première traduction reste donc la plus probable.
- Le mot c'est pourquoi indique une conclusion tirée du verset 22. La parabole elle-même prouve que le devoir de pardonner les offenses n'a pas de limites, parce que le pardon que nous accordons à notre prochain n'est que peu de chose comparé à la grâce qui nous est faite par Dieu et que celle-ci nous oblige à celui-là . (verset 35)
Notre dette envers Dieu ce sont d'une part ses bienfaits, d'autre part nos péchés. (Matthieu 6.12, grec)
La dette n'aurait pas été payée par l'exécution de cet ordre (le grec porte littér. qu'il fût payé), mais la justice aurait eu son cours.
Ce mot manque dans B, D et des versions. Dans son angoisse le serviteur promet l'impossible. Ainsi fait la propre justice en présence du compte à rendre à Dieu.
Le maître accorde au serviteur infiniment plus qu'il ne demandait.
Il l'Ă©tranglait en le prenant au col pour le conduire devant le juge.
- Le texte reçu porte : "Paie-moi ce que tu me dois."
La traduction littérale du vrai texte est : "Paie, puisque (ou si) tu dois quelque chose." C'est la logique sans miséricorde.
En entendant son compagnon proférer cette supplication qui, dans sa propre bouche, avait été si efficace, le méchant serviteur aurait dû sentir sa dureté, (verset 30) et se souvenir de la générosité de son maître. (verset 27)
Les bourreaux (grec tourmenteurs) sont chargés d'exécuter le jugement. Le roi de la parabole ne remplit pas seulement le rôle de créancier, mais aussi celui de juge.
Pardonner, pardonner de tout son cœur, pardonner toujours, avec la compassion que le pécheur implore de Dieu, telle est la seule marque certaine qu'il a reçu son propre pardon, et tel est le sens de cette parabole. Jésus, pas plus ici qu'ailleurs, ne pouvait parler encore du grand et émouvant moyen par lequel il nous a acquis le pardon de Dieu. Et c'est pourtant la manifestation de cet immense amour (comparez Luc 23.34) qui rend possible aux chrétiens le pardon mutuel et même leur en fait un bonheur.
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