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1 Ă 13 Mort de Jean-Baptiste
En ce temps-là , expression vague, parait reporter la pensée vers l'époque de la visite de Jésus à Nazareth. (Matthieu 13.54-58)
Marc, très complet dans ce récit, et Luc, qui le donne en abrégé, placent l'événement entre l'envoi et le retour des disciples, donc à une époque antérieure. On sait que Matthieu ne s'attache point à l'ordre chronologique.
- Hérode, que Josèphe appelle Antipas, était un des nombreux fils d'Hérode le Grand (Matthieu 2.1 et suivants) et frère d'Archélaüs. (Matthieu 2.22)
Il régnait sur la Galilée et la Pérée avec le titre de tétrarque, c'est-à -dire quatrième gouverneur, ou prince qui partageait avec trois autres le gouvernement du pays.
Il résidait habituellement à Tibériade, ville qu'il avait fondée au bord du lac, ornée de magnifiques constructions et nommée en l'honneur de l'empereur Tibère. Mais il séjournait, à l'époque de l'emprisonnement et de la mort de Jean-Baptiste, selon le témoignage de Josèphe (Antiq., XVIII, 5, 2), dans la forteresse de Machaerus ou Machéronte, dans la Pérée, parce qu'il était en guerre avec Arétas, roi d'Arabie, dont il avait répudié la fille. C'est là que se déroula la scène tragique que l'évangéliste va raconter. (verset 3 et suivants)
- Hérode entendit parler de la renommée grandissante de Jésus. Cette expression ne signifie pas qu'il n'eût eu jusque-là aucune connaissance de lui, mais bien qu'à ce moment "son nom devenait célèbre," comme l'observe Marc. (Marc 6.14)
Cette expression indique plutĂ´t le pouvoir de faire des miracles que les miracles eux-mĂŞmes.
Les paroles d'Hérode trahissent sa mauvaise conscience : il est saisi d'effroi à la pensée qu'un envoyé de Dieu agit avec puissance dans le pays.
Le meurtre de Jean-Baptiste, qui avait eu lieu auparavant, et que Matthieu va raconter, inspire à ce prince débauché une crainte superstitieuse qui s'allie très bien avec l'incrédulité, (voir Marc 6.16, note) et que d'autres dans son entourage partageaient avec lui. (Luc 9.7)
Matthieu avait déjà mentionné (Matthieu 4.12) cette arrestation de Jean ; il la reprend ici au moment de raconter sa mort.
Par un double adultère, Hérode Antipas avait répudié sa femme légitime, la fille d'Arétas, et épousé la femme de son frère.
Ce frère est appelé, ici et en Marc 6.17, Philippe.
Or Hérode Antipas avait bien un frère de ce nom, qui fut tétrarque de l'Iturée et de la Trachonitide, (Luc 3.1, note) mais ce dernier ne fut pas l'époux d'Hérodias : il fut son gendre, ayant épousé, dans la suite, sa fille Salomé, celle même qui joue un si triste rôle dans notre récit.
Hérodias était la femme d'un autre frère d'Antipas, nommé Hérode, qui ne figure pas dans l'histoire. Il faut donc admettre que celui-ci portait aussi le nom de Philippe, ou, ce qui est plus probable, que les évangélistes l'ont confondu avec Philippe le tétrarque. (Le nom de Philippe est omis par D, quelques copies de l'ltala et la Vulgate.)
- Hérodias, fille d'Aristobule et de Bérénice, et petite-fille d'Hérode le Grand, était la nièce d'Antipas, en même temps que sa belle-sœur. (Voir Josèphe, Antiq., XVIII, 5, 1 et 4.)
Au reste cette crainte qu'il avait de la foule et qui le retenait, nous est aussi confirmée par Josèphe. (Antiq., XVIII, 5, 2.)
- La fille d'Hérodias s'appelait Salomé et était née du premier mariage de sa mère. Elle épousa plus tard son oncle le tétrarque Philippe. (Josèphe, Antiq., XVIII, 5. 4.)
Sa danse était sans doute accompagnée de poses et de mouvements voluptueux, à la manière orientale. Quel contraste criant entre cette danse d'une jeune fille et l'acte tragique qui va s'accomplir dans la prison ! (Voir Ad. Monod, Sermons, 2e série, p. 245. "Danse et martyre.")
Il avait d'ailleurs offert de riches présents, mais non la tête d'un homme qu'il estimait au fond du cœur ; et l'on conçoit que cette brusque demande le troublât profondément.
Seul, il l'aurait sans doute refusée, sans se croire lié par ses serments. Mais en présence de ses convives, au milieu d'une cour brillante et échauffée par le festin, la vanité d'un faux point d'honneur l'emporta dans son esprit.
Cette tête sanglante de l'homme de Dieu donnée, sur un plat, à une jeune fille, qui la porte à sa mère !...
- Il est évident que les récits des évangélistes supposent que toute cette tragédie se passa sur l'heure, pendant la fête qu'Hérode célébrait alors. On conçoit à peine pourquoi les exégètes soulèvent et discutent longuement la question de savoir où pouvait être la prison de Jean, et comment il put être ainsi mis à mort et sa tête apportée sur-le-champ.
Hérode, il est vrai, résidait ordinairement à Tibériade ; mais l'historien Josèphe, dont il n'y a pas la moindre raison de suspecter le témoignage, nous dit expressément que Jean fut mis en prison dans la forteresse de Machaerus, où Hérode avait de magnifiques appartements, que cet événement coïncida avec sa guerre contre Arétas ; que même "les Juifs attribuèrent la défaite de son armée à un juste jugement de Dieu à cause d'une action si injuste."
Quoi donc de plus naturel que d'admettre que toute la scène se passa dans ce château fort où la cour d'Hérode se trouvait alors, et qu'ainsi tout fut accompli en fort peu de temps ?
D'après Matthieu le motif de Jésus aurait été la pensée de se retirer à l'écart, pour ne pas exciter contre lui la persécution, après le meurtre du précurseur, et au moment où l'attention d'Hérode venait de se porter sur lui. (verset 1)
Y a-t-il contradiction ? Quelques interprètes l'ont pensé. Mais comme, d'après le second et le troisième évangile eux-mêmes, cette retraite de Jésus eut lieu aussitôt après la mort de Jean-Baptiste, le motif indiqué par Matthieu peut avoir influé sur la conduite de Jésus sans que l'autre fût exclu. Et le repos qu'il désirait pour ses disciples et pour lui-même devait être rempli de méditations sérieuses sur la catastrophe qui venait de mettre fin à la vie du précurseur, le maître vénéré qui avait amené la plupart d'entre eux à suivre "l'Agneau de Dieu." (Jean 1.35 et suivants)
A pied, en faisant le tour de l'extrémité septentrionale du lac. Ce lac était entouré de plusieurs villes, alors très peuplées. De là ces foules.
Etant sorti de la retraite solitaire où il avait passé quelques heures avec ses disciples, Jésus, à la vue de cette grande multitude, est ému de compassion (grec ému dans ses entrailles), soit à cause de tous ces malades qu'on lui amenait pour qu'il les guérit, soit à cause de l'état de délaissement moral de ce pauvre peuple, qui était à ses yeux "comme des brebis qui n'ont point de berger." (Marc 6.34)
- Cette sollicitude pour le peuple parait avoir été inspirée aux disciples par la compassion de leur Maître (verset 14)
D'après saint Jean, (Jean 6.5) ce fut Jésus lui-même qui prit l'initiative, et la parole des disciples ne fut que la réponse à sa question.
Quoi qu'il en soit, cet entretien prouve qu'il y avait là un besoin réel, digne de la compassion de Jésus, et que le Sauveur ne fit point un usage inutile de sa puissance créatrice en multipliant les pains, comme le prétend la critique négative.
Il y eut donc à la fois dans l'âme du Sauveur le sentiment de la reconnaissance envers Dieu pour ce qu'il avait donné, et le dessein d'implorer la bénédiction divine sur ce peu de biens pour les multiplier. (Comparer Matthieu 26.26,27 ; 1Timothée 4.4,5) Quel exemple et quelle consolation pour le pauvre dont la provision est insuffisante !
Les disciples accomplissent avec une humble obéissance l'ordre qu'ils ont reçu ; (verset 16) ils donnent ce qu'ils ont, (verset 17) et c'est dans leurs mains que s'accomplit le miracle.
Si Jésus avait d'avance multiplié les pains, de manière à en mettre sous leurs yeux une immense provision, cela eût mieux convenu à leur manque de foi, mais Dieu ne procède jamais ainsi dans la dispensation de ses grâces. Il exerce la foi et l'obéissance, tout en donnant abondamment.
- Ces paniers Ă©taient de petits sacs de voyage en jonc ou en paille. Chaque disciple en avait un, et le remplit.
Dans les guérisons de malades, il reste à la raison des ressources pour expliquer la délivrance de ces malheureux par une influence morale exercée sur eux, sans s'élever jusqu'au surnaturel.
Mais ici ! L'un de ces docteurs ne voit dans notre récit qu'une pure légende ou un mythe né dans l'imagination des premiers disciples. (Strauss.)
Un autre nous raconte que Jésus fit simplement rassembler, puis distribuer avec ordre, les petites provisions que la foule avait apportées avec elle. (Paulus.)
De Wette pense que ce récit est la forme symbolique qu'a revêtue dans la tradition I'instruction de Jésus (Jean 6) sur le pain spirituel ou pain de vie. Et, d'après lui, on a prétendu que, comme il était impossible de se représenter la réalité du fait, il n'y avait qu'à s'en tenir aux leçons religieuses qu'en tire Jésus. (Jean 6)
Mais que deviennent ces leçons, si elles reposent sur une invention légendaire ?
Lange enfin, voit dans notre récit, non une multiplication du pain matériel, mais bien de sa force nutritive, en sorte que chacun fut rassasié de la part la plus minime qu'il reçut.
Mais les douze paniers du surplus ?
- La question n'est pas dans l'interprétation plus ou moins ingénieuse du récit. Elle est tout entière dans l'idée qu'on se fait de la personne de Jésus-Christ.
Celui qui a dit : "Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre," avait-il le pouvoir d'accomplir un acte de création ? S'il l'avait, tout est dit, car une création ne s'explique pas.
Or, ce miracle est attesté unanimement par les quatre évangiles, il est confirmé par l'impression qu'en reçut la foule et bien plus encore par l'autorité du Sauveur, qui le prend pour texte d'un de ses plus profonds discours, et qui même en appelle directement à cet acte de sa puissance. (Marc 8.19,20. Comparer J. Bovon, Théol. du N. T., p. 290 et suivants, 310 et suivants)
Quant au but immédiat du miracle, il est évident : le Sauveur voulait, dans sa compassion pour une multitude pauvre et défaillante qui s'était attachée à ses pas pour entendre sa parole, lui procurer un secours nécessaire, et faire envers elle une grande et touchante œuvre de charité.
Sin., C, la syr. de Cureton, suivis par Tischendorf, omettent le mot aussitôt : mais ces autorités ne sont pas décisives. En tout cas le mot est dans Marc et il correspond à la situation.
En effet, la foule, enthousiasmée par ce qu'elle venait de voir et d'entendre, s'agitait autour de Jésus ; elle voulait même le proclamer roi, (Jean 6.15) raison pressante pour lui d'échapper aussitôt à ces ovations bruyantes pour se retirer dans la solitude (verset 23)
De là encore ce terme inusité : il obligea, contraignit les disciples à s'embarquer pour le précéder sur l'autre rive, c'est-à -dire pour Bethsaïda (Marc 6.45) ou Capernaüm. (Jean 6.17)
Les disciples pouvaient croire qu'il voulait les suivre à pied plus tard, et il leur répugnait de se séparer de lui.
Combien plus ceux qui le suivent de si loin dans l'activité et le combat ! - Le soir désigne une heure avancée de la soirée : (Comparer verset 15)
B et plusieurs versions, après au milieu de la mer, ajoutent ces mots : elle était éloignée de plusieurs stades de la terre.
- La quatrième veille de la nuit était entre trois et six heures du matin
Les veilles, de trois heures chacune commençaient à six heures du soir. Les disciples avaient donc lutté contre la tempête la plus grande partie de la nuit, et ils étaient en danger. (Comparer Matthieu 8.25)
Mais Jésus, plutôt que de les laisser périr, vient à eux marchant sur la mer.
Le rationalisme s'est mis en frais d'inventions pour supprimer ce fait surnaturel. La plus ridicule est celle qui consiste à traduire sur la mer par sur le bord de la mer ! Tout cela pour nier que le Fils de Dieu dominât sur les forces de la nature dont il est pourtant le Roi.
Les disciples partageaient la croyance populaire de leur temps. (Luc 24.37) Ainsi, à la crainte du danger se joint une nouvelle frayeur, tandis que c'est le secours qui s'approche !
Calme majesté de la puissance divine du Sauveur au sein de la tempête ! Tendre compassion pour les siens qu'il rassure et console, même avant de les sauver !
Le texte reçu dit : "pour venir vers Jésus."
La variante adoptée, d'après Tischendorf sur l'autorité de B, C : et il vint, est plus en harmonie avec cette scène, car Pierre parvint réellement jusqu'à son Maître. (vers. 31.)
Mais voyant la puissance du vent, le doute et la peur le privèrent de la force de cette foi qui le soutenait. Cependant il lui reste assez de confiance pour crier vers son Sauveur, et cela suffit pour sa délivrance.
Le texte reçu, avec C, D, et la plupart des majuscules ajoute au mot vent le qualificatif de fort.
- Pourquoi ? Pierre n'avait que trop de raisons de douter ; mais la question du Sauveur signifie que là où il est présent, ces raisons n'existent plus.
- Matthieu seul a conservé cet épisode relatif à Pierre, quoique le récit de Jésus marchant sur la mer se retrouve dans Marc et Jean.
La critique négative en a conclu que ce trait de la vie du disciple a été ajouté au récit par une tradition postérieure. Mais sur quoi se fonde cette supposition ? L'expérience de Pierre, l'une des plus touchantes et des plus instructives de sa vie, n'est-elle pas dans son caractère, et digne du Maître qui fait son éducation ?
Josèphe décrit cette contrée comme remarquable par la douceur et la fertilité de son climat.
Dans ce dernier passage, on voit aussi une pauvre femme malade, guérie en touchant le bord du vêtement du Sauveur ; mais ce qui la guérit, ce fut, d'une part, "la puissance qui sortait de lui," (Luc 8.46) et d'autre part, la foi qu'elle avait en lui.
Telles furent aussi les guérisons sommairement rapportées ici. Il n'y a rien dans ces guérisons qui autorise les superstitions qu'on voudrait appuyer sur un tel exemple.
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