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1 à 20 Le démoniaque de Gadara.
Ils y arrivèrent, après avoir essuyé la tempête décrite au chapitre précédent. (versets 35-41)
Voir, sur ce nom propre et sur tout le récit qui va suivre, Matthieu 8.28-34, notes, et comparez Luc 8.26-39.
Marc, encore ici, raconte avec beaucoup plus de détails que les autres évangélistes. Nous relevons ce qui lui est propre.
Les sépulcres et les montagnes sont mentionnés ensemble, parce que les tombeaux, en Orient, étaient des grottes naturelles ou creusées dans le flanc d'une colline.
Le démoniaque séjournait dans ces endroits écartés et lugubres, afin d'y chercher la solitude. Les actes de violence exercés sur lui-même par ce malheureux (se meurtrissant avec des pierres), et dont Marc seul nous parle, ont été considérés par quelques interprètes comme des signes de repentance ou de désespoir et non comme un simple effet de la folie furieuse.
On peut en conclure que ce malade, en proie à la puissance des ténèbres, endurait aussi une affreuse souffrance morale. A ce point de vue, on comprend mieux la grandeur de la délivrance dont il fut redevable au Sauveur.
Mais comment expliquer la contradiction qu'il y a entre ce sentiment et les paroles qu'il prononce aussitôt ? (verset 7)
C'est que, jusqu'ici, le malade agissait avec la conscience de lui-même et de son malheur, mais Jésus, en ordonnant à l'esprit impur de sortir, (verset 8) excita la résistance de ce dernier, qui produisit dans sa victime un de ces paroxysmes dans lesquels elle n'était plus que l'organe du démon qui parlait par elle.
En effet, ce verbe à l'imparfait il lui disait (verset 8) indique que Jésus avait répété son ordre sans que le démon fût encore sorti et explique les paroles violentes du démoniaque. Peut-être Jésus ne voulut-il pas employer dès l'abord toute l'énergie de sa puissance, par la crainte que la lutte entre son pouvoir et la résistance de l'esprit méchant ne brisât l'organisme du malade dans la crise violente que sa parole avait suscitée.
En ajoutant : Je t'adjure par Dieu, l'esprit impur pensait sans doute que Jésus lui accorderait plus facilement sa demande de n'être point tourmenté. Qu'entendait-il par là  ? Le verset 10 pourra répondre à cette question. (Voir Matthieu 8.29, note.)
Malheureusement, il était encore trop sous l'influence du mauvais esprit pour répondre avec une claire conscience de luimême ; aussi est-ce le démon qui reprend la parole, et, non sans orgueil et méchanceté, il emprunte son nom à ces redoutables légions romaines qui faisaient la terreur et l'aversion du peuple juif.
Et tandis que dans Luc (Luc 8.30) c'est 1'évangéliste qui fait cette réflexion : "car plusieurs démons étaient entrés en lui," ici, c'est encore l'esprit qui ajoute par la bouche du malade : car nous sommes plusieurs.
Faut-il entendre par là une multiplicité d'influences que l'esprit exerçait sur toutes les facultés de sa victime ? ou bien doit-on comprendre à la lettre qu'il y avait en elle un grand nombre de démons ? La première de ces opinions n'est point exclue ; mais bien certainement l'évangéliste a l'intention d'exprimer la seconde. En effet, tandis que jusqu'ici il a parlé d'un esprit impur, (verset 2) son récit prend maintenant partout la forme du pluriel. (versets 10,12,13)
Du reste, l'idée d'une pluralité de démons dans le même possédé n'est point étrangère aux évangélistes. (Voir Marc 16.9 ; Luc 8.2)
Luc (Luc 8.31) donne à cette demande un motif plus facile à comprendre : les démons craignaient d'être envoyés dans l'abîme, qu'ils regardaient sans doute comme un lieu de tourment. C'est la même idée qui se trouve dans Matthieu, (Matthieu 8.29) où les démons prient Jésus de ne pas les tourmenter avant le temps (du jugement).
- Cette partie du récit, conservée par les trois évangélistes, présente des faits qu'il est très difficile de s'expliquer, d'autant plus difficile qu'ils sont sans analogie dans le Nouveau Testament.
Pourquoi les démons, forcés de quitter leur victime, demandent-ils à entrer dans les pourceaux ? Est-ce parce que ces esprits sans organes, misérables dans leur abandon de Dieu, se plaisent à habiter dans des êtres organisés ? Est-ce dans l'intention méchante de nuire à ces animaux, à leurs possesseurs, peut-être même à Jésus et à son influence ? (verset 17)
Pourquoi Jésus le leur permet-il ? Est-ce parce que c'était le moyen de délivrer le malheureux, objet de son intérêt et de ses compassions ? Est-ce pour exercer un jugement sur les habitants de la contrée et provoquer en eux des pensées sérieuses ? Comment n'a-t-il aucun égard à la perte qu'ils vont subir ? (verset 13) Veut-il les punir (ceux du moins d'entre eux qui étaient Juifs) de violer la loi en élevant des animaux légalement impurs ?
On a posé toutes ces questions, on y a fait des réponses diverses, sur lesquelles il serait superflu d'insister, puisque le texte garde le silence à ce sujet.
Encore ici, il serait impossible de dire quelle influence produisit dans ces animaux le mouvement impétueux par lequel ils se précipitèrent dans la mer.
Il faut noter ici chaque trait.
Le démoniaque, jusque-là agité, frénétique, est tranquillement assis ; il est vêtu, tandis qu'auparavant "il ne se revêtait d'aucun habit ;" (Luc 8.27) il est dans son bon sens, lui que l'évangéliste a montré fou furieux ; il le rappelle en ajoutant ces mots : lui, qui avait eu la légion.
Quel monument de la puissance et de l'amour de Jésus !
Pourquoi Jésus ne le lui permit-il pas ? Les belles paroles qui suivent (verset 19) répondent abondamment à cette question. Jésus veut laisser cet homme dans sa maison, auprès des siens, pour être, à l'égard de tous, à la fois un monument et un prédicateur de la miséricorde divine.
Et c'est ce qu'il fut, en effet. Il publia dans la contrée entière (grec quelles choses) quelles grandes choses le Seigneur lui avait faites. (verset 20)
- S'étonneraiton de l'ordre que Jésus donne à cet homme, tandis qu'ailleurs il interdisait à des malades guéris de proclamer ses bienfaits ? (Matthieu 8.4, note.)
La raison de cette différence est bien simple : ici, dans cette contrée écartée, il n'avait point à craindre que le bruit de ses miracles provoquât un faux enthousiasme parmi le peuple ou la haine de ses adversaires, comme c'était le cas en Galilée et en Judée.
On peut supposer que cette admiration fut suivie de sentiments plus éclairés, plus profonds, plus durables.
Voir sur ce récit Matthieu 9.18-26, notes, et comparez Luc 8.40 et suivants
Marc et Luc racontent ces deux miracles immédiatement après le retour de Jésus de l'excursion qu'il venait de faire de l'autre côté du lac, tandis que Matthieu (Matthieu 9.1 et suivants) place entre ces deux faits la guérison du paralytique et la vocation de Lévi. On voit qu'il s'était formé dans la tradition divers groupements des faits qui marquèrent dans le ministère du Sauveur.
Ainsi c'est par eux que nous connaissons le nom de JaĂŻrus.
"Au temps où Marc écrivait, Jaïrus ou sa fille pouvaient se trouver encore en Palestine. C'est une grande preuve de la vérité de l'histoire évangélique, que même les noms propres y sont conservés." (Bengel.)
Marc peint cette scène et la fait revivre aux yeux de ses lecteurs par tous ces verbes au présent, il vient, se jette à ses pieds, le prie instamment. Nos versions ordinaires effacent toutes ces nuances.
- Jaïrus, en parlant de son enfant, emploie un gracieux diminutif qui exprime toute la tendresse de son cœur affligé.
Calvin, dans le langage naïf du seizième siècle, le traduit très bien par : ma fillette Ce diminutif, propre à Marc, se trouve encore en Marc 7.25 et pas ailleurs dans le Nouveau Testament.
Dans l'original, l'émotion du père se trahit encore par une phrase tout à fait incomplète : "Ma petite fille est à l'extrémité,...afin que, venant, tu lui imposes les mains."
Elles connut en son corps par le soulagement, le bien-être, la force qu'elle éprouva, qu'elle était délivrée de ce mal.
Ce dernier mot signifie proprement un fouet, une lanière au moyen de laquelle on infligeait une flagellation ; image énergique de l'affliction de cette pauvre femme.
La femme malade s'approche timidement par derrière pour toucher le bord du vêtement de Jésus, qui, apercevant ce mouvement, se retourne, l'encourage avec compassion et la guérit par sa parole.
Dans Marc et Luc, la guérison s'effectue par la foi de la malade et par l'attouchement des vêtements de Jésus ; la femme sent qu'elle est guérie et en même temps Jésus connaît en lui-même qu'une puissance vient de sortir de lui ; il se retourne pour demander qui l'a touché, et ce n'est que lorsque la malade se révèle à lui qu'il lui adresse la parole comme confirmation de sa guérison. (versets 33,34)
On ne peut méconnaître l'importance de cette différence que présente la narration de Marc et de Luc. Une certaine critique s'est hâtée d'en conclure que les détails qui leur sont propres proviennent d'une tradition postérieure et portent le caractère légendaire d'un miracle opéré indépendamment de la volonté de Jésus.
Mais le miracle opéré par la parole de Jésus et par l'action directe de sa volonté est-il beaucoup plus aisé à comprendre que celui accompli par les puissances divines qui résidaient en lui et dont la foi simple et naïve, mais énergique de la malade a su s'emparer ?
Ce qu'on a dit de mieux sur ce sujet peut se résumer dans ces paroles de M. Godet : (sur Luc 8.43 et suivants) "Au moment où l'appel fut adressé à Jésus par l'attouchement de son vêtement de la part de la malade, la volonté générale et constante d'aider et de soulager qui l'animait au milieu de ses frères, reçut subitement par un avertissement divin une direction spéciale et particulièrement efficace, direction dont il eut la conscience distincte, mais dont l'objet lui resta inconnu jusqu'à ce que ce secret lui fut dévoilé. Remarquons que dans chaque miracle de Jésus il y a en quelque sorte deux pôles : la réceptivité du malade et l'activité du Sauveur. Au maximum d'action de l'un correspond d'ordinaire le minimum d'action de l'autre. A Béthesda, (Jean 5) où Jésus doit réveiller chez l'impotent jusqu'à la volonté de la guérison, et dans les résurrections de morts, la réceptivité humaine est au minimum et l'activité de Jésus s'élève au plus haut degré d'initiative. Dans le cas présent, c est l'inverse. Jésus est comme passif et l'initiative de la femme lui arrache en quelque sorte la guérison. Entre ces deux extrêmes s'échelonne la foule des cas ordinaires."
Jésus ne demandait : Qui ma touché ? que parce qu'en ce moment il ne le savait pas.
Mais cette question avait plus d'importance encore pour la femme que pour lui-même. Il voulait, en la tirant de l'obscurité où elle se cachait, en lui adressant la parole, en l'encourageant avec bonté, l'amener à entrer en contact avec lui, et rendre sa foi plus claire, en se révélant à elle comme l'auteur de sa guérison et de son salut. (verset 34)
C'est pour cela qu'elle s'était approchée en se cachant dans la foule. (verset 27) Peut-être aussi l'effet du miracle accompli sur elle avait-il augmenté son émotion.
Sa déclaration : ta foi t'a sauvée, s'étend à son âme aussi bien qu'à son corps, car il n'y a pas de doute qu'après une telle expérience cette femme ne se soit attachée à son Sauveur avec toute l'énergie de sa foi, de sa reconnaissance, de son amour ; et la paix qu'il lui donne devint en elle le fruit précieux de son salut.
Toutes ces guérisons opérées par la puissance et l'amour du Sauveur sur tant de malheureux n'étaient que l'image et le moyen de leur délivrance du péché et de la mort. C'est ainsi qu'il se révèle à nous comme LE SAUVEUR.
On voit par là l'importance qu'il y a à traduire fidèlement ces mots : ta foi t'a sauvée, et non, avec la plupart de nos versions : ta foi t'a guérie.
- Ce message et la parole consolante de Jésus, à laquelle il va donner lieu, nous ont été conservés par Marc et Luc. Matthieu les omet, parce que, dans son récit abrégé, Jaïrus annonce immédiatement la mort de sa fille et Jésus part avec lui pour la ressusciter. Le fait essentiel reste le même, mais il faut reconnaître, ici encore, l'indépendance des évangélistes les uns à l'égard des autres.
Si cette leçon est authentique, elle nous peint l'empressement (aussitôt) avec lequel le Sauveur se hâte d'apaiser l'angoisse du père à l'ouïe de cette parole : Ta fille est morte.
La variante adoptée renferme bien la même pensée, mais elle nous dit de plus que Jésus ne voulut pas même s'arrêter à cette nouvelle sinistre de la mort ; il savait qu'il allait vaincre la mort, et il veut faire partager à Jaïrus son assurance.
Par la plus tendre sympathie, Jésus s'efforce tout d'abord d'adoucir, dans le cœur brisé du père, la crainte. Pour cela, il l'engage simplement à se confier en lui (vrai sens du mot croire), sans lui dire ce qu'il fera.
Jésus ne veut accomplir cet acte de délivrance que dans le calme, loin de la foule, en présence du père et de la mère, qui devaient en être les premiers témoins, et en présence de ceux qui étaient avec lui, c'est-à -dire des trois disciples qu'il a choisis à dessein. (verset 37)
Dans les moments les plus solennels de sa vie, Jésus parait avoir éprouvé le besoin de se sentir dans l'intimité avec ceux qui l'entouraient ; aussi voyons-nous que, dans cette occasion, comme lors de sa transfiguration, comme à Gethsémané, il n'admit auprès de lui que ces trois mêmes disciples, les plus capables de le comprendre.
Et ce sont les seuls que Jésus prononça. Les mots : je te le dis, sont ajoutés par Marc dans sa traduction, afin de rendre la pensée "de Celui qui appelle et qui commande." Jérôme.
Cet ordre solennel, adressé à la jeune fille morte, est conservé par Marc dans la langue originale, parce qu'il s'était vivement gravé dans la mémoire de tous les témoins. Notre évangéliste aime à rapporter ainsi en araméen certaines paroles du Sauveur, dont il donne ensuite la traduction. (Marc 7.11,34 ; 14.36 ; 15.34)
De tels détails ne peuvent provenir que d'un témoin oculaire. (Voir l'Introduction.)
Ici, où il n'était entouré que des parents de l'enfant et de ses trois disciples, il pouvait espérer que son ordre serait observé, au moins en ce qui concernait les détails du miracle.
Ce dernier trait montre le complet rétablissement de l'enfant et la tendre sollicitude de Jésus à son égard.
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