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1 à 16 Préambule du Discours sur la Montagne. Les Béatitudes.
Comparer Luc 6.20 et suivants Les foules sont celles que Matthieu a décrites Matthieu 4.25, et qui, attirées par les guérisons que Jésus opérait et par la puissance de sa parole, l'avaient suivi de toutes les contrées d'alentour, même de Jérusalem et de la Judée. Les guérisons et les actes miraculeux, dont elles avaient été témoins les avaient préparées à recevoir les paroles étonnantes qu'elles vont ouïr. Comment auraient-elles pu croire heureux ceux que l'expérience et le bon sens proclament malheureux, si elles n'avaient contemplé les merveilleuses délivrances que Jésus tenait en réserve pour eux ? (Comparer Luc 4.17 et suivants)
- La montagne, malgré l'article, ne désigne aucune sommité particulière, mais en général la hauteur, par opposition à la plaine. C'est ainsi que les habitants des vallées disent : aller à la montagne, sans indiquer par la un point spécial de la chaîne dont il s'agit. La tradition a été plus précise que les évangélistes ; elle place la montagne des Béatitudes non loin de la ville de Tibériade, située sur le bord du lac de ce nom. Derrière la montagne qui domine Tibériade est un large plateau, montant en pente douce du coté d'un rocher qui en forme le sommet. C'est sur ce rocher que Jésus aurait passe la nuit en prières et qu'au point du jour il aurait appelé ses disciples et choisi ses apôtres. (Luc 6.12 et suivants)
Puis il serait descendu près de la foule qui l'attendait sur le plateau, et c'est de la qu'il aurait enseigné le peuple. L'apparente contradiction qui existe entre le récit de Luc et celui de Matthieu se trouverait ainsi résolue.
Selon le premier, JĂ©sus descendit, et c'est dans une plaine qu'il aurait prononce son discours. (Luc 6.17 note.)
Selon Matthieu, il serait monté sur une montagne avec le peuple. Ceci s'explique, puisque Matthieu ne dit rien ici de la prière de Jésus et de l'élection des apôtres il ne rapporte que le fait général, la prédication aux troupes assemblées sur une montagne.
Luc, qui rapporte un détail de plus, nous montre le Seigneur montant d'abord au sommet, puis redescendant dans la plaine, c'est-à -dire sur le plateau. (il dit même : dans un lieu en plaine, ce qui semble indiquer par une nuance qu'il ne s'agit pas d'une plaine proprement dite.)
Au pied du rocher, au haut du plateau, se trouve précisément une petite plate-forme, une sorte de chaire naturelle, d'ou l'on peut aisément être vu et entendu d'une grande multitude. C'est la qu'aurait été assis le Seigneur...Je me demandai s'il était possible qu'il y eut au bord de ce lac, et même dans toute la Palestine, une autre montagne a laquelle s'appliquassent aussi complètement les détails que nous pouvons recueillir a ce sujet dans saint Luc et saint Matthieu. (F. Bovet, voyage en Terre Sainte, 7e ed., p. 380 et suivants)
Ses disciples, ceux d'entre eux qu'il venait d'appeler à l'apostolat et ceux qui déjà avaient entendu et goûté sa parole, l'entouraient comme toujours ; mais cela ne signifie point, comme on l'a prétendu, que son discours ne s'adressât qu'à eux, à l'exclusion de la multitude. (Comparer Matthieu 7.28)
Sans doute, ce discours, qui expose les principes spirituels et sublimes du royaume que Jésus venait fonder, ne pouvait être compris de tous, comme il ne peut être mis en pratique que par ceux qui sont animés de l'esprit de ce royaume ; mais le Sauveur parlait et enseignait en vue de l'avenir.
Sa parole est une révélation, et quand son œuvre sera achevée, cette parole deviendra lumière et vie dans le cœur de ses rachetés.
Là , l'évangéliste fait avec éclat une préface pour montrer comment Jésus s'apprête à la prédication : il monte sur une montagne il s'assied, il ouvre la bouche ; c'est pour faire sentir le sérieux de son action. Luther.
On n'est donc pas fondé à voir dans les pages qui suivent non un discours de Jésus, mais une compilation de l'évangéliste, qui en aurait emprunté les éléments à diverses paroles du Seigneur, prononcées en d'autres occasions. Sans doute, la forme assez différente sous laquelle Luc a rapporté ce même discours, soit pour le choix, soit pour l'ordre des matériaux, montre assez que les évangélistes ont usé d'une sainte liberté selon le plan qu'ils s'étaient tracé et sous la direction de l'Esprit de vérité qui les animait.
Sans doute encore, il est un bon nombre des pensées de ce discours qui se retrouvent ailleurs dans les enseignements du Sauveur et avec des applications différentes. Mais ce sont tantôt des expressions proverbiales, des images, que Jésus pouvait certainement employer plus d'une fois (ainsi verset 13 ; comparez Marc 9.50 ; 7.13 ; comparez Luc 13.24 ; 6.22 ; comparez Luc 11.34 ; 6.24, comparez Luc 16.13) tantôt de courts préceptes moraux, qui devaient naturellement reparaître aussi dans ses enseignements. Ainsi verset 25 ; comparez Luc 12.58 ; 5.32 ; comparez Luc 16.18 ;6.19 ; Luc 12.33 Quant à là belle exhortation touchant les inquiétudes, (Matthieu 6.25-34) que Luc a rapportée ailleurs, (Luc 12.22-31) il serait difficile de dire dans lequel des deux récits elle se trouve le mieux à sa place.
Quoi qu'il en soit, la manière dont l'évangéliste introduit cette prédication et dont il en décrit l'effet, (Matthieu 7.28) montre avec évidence qu'il rapporte un discours solennel et prolongé de son Maître. Et n'était-il pas dans la nature des choses que le Sauveur, tout en guérissant les malades, en consolant les affligés, saisit l'occasion d'exposer à ces foules qui le suivaient les grands et éternels principes moraux de son règne ? Il le fait, non dans les formes logiques de l'école, mais avec la liberté d'allure qui convient à une instruction improvisée, coulant de source, mais qui, dans son ensemble, ne manque pas d'une grandiose unité.
Ainsi commence le Sauveur. C'est là une entrée belle, douce, pleine d'amour, dans sa doctrine et sa prédication. Il ne procède pas, comme Moïse ou un docteur de la loi, par des ordres, des menaces, des terreurs, mais de la manière la plus affectueuse, la plus propre à attirer les cœurs, et par de gracieuses promesses. Luther.
Toutefois, cet amour recouvre un profond sérieux, car ceux que Jésus déclare heureux sont bien misérables aux yeux du monde. Ils ne sont heureux qu'à cause de la promesse qui accompagne chacune de ces déclarations et qui la motive.
Les pauvres en esprit sont ceux qui se sentent pauvres dans leur vie intérieure, moralement et spirituellement pauvres, et qui, par là même, soupirent après les vraies richesses de l'âme. (L'esprit désigne, non le Saint-Esprit, mais la faculté par laquelle nous entrons en relation avec Dieu et réalisons la vie morale. Comparer Matthieu 26.41) L'inverse est décrit dans Apocalypse 3.17 (Comparer 1Corinthiens 4.8 et suivants)
Ce sentiment de pauvreté devant Dieu n'est pas encore la repentance, mais une humilité profonde, douloureuse, qui y conduit. (Comparer Esaïe 57.15)
- On peut interpréter aussi cette parole en ce sens qu'elle désignerait, non la pauvreté morale, mais la pauvreté temporelle réalisée en pensée, sinon de fait.
Les pauvres en esprit sont tous ceux qui ont l'esprit détaché des biens de la terre, comme dit Bossuet, et il ajoute : O Seigneur ! je vous donne tout : j'abandonne tout pour avoir part a ce royaume ! Je me dépouille de cœur et en esprit, et quand il vous plaira de me dépouiller en effet, je m'y soumets. (Méditations sur l'Evangile.)
Ainsi comprise la première béatitude de Matthieu répond exactement a la première béatitude de Luc (Luc 6.20, note) et n a pas un sens presque identique a celui de la quatrième béatitude : "Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice."
- Qu'il s'agisse de pauvreté spirituelle ou de pauvreté temporelle, d'humilité ou de détachement, ou de tous les deux a la fois, a une telle situation répond la promesse ou plutôt la déclaration positive et actuelle : parce qu'à eux est le royaume des cieux, (Telle est la construction grecque, comme dans tous les versets qui suivent.) Ce royaume (voir sur ce mot Matthieu 3.2, note) ou tout est lumière, justice, paix, amour, leur est assuré par la "grace divine avec toutes ses richesses." Il ne leur est pas seulement promis pour l'avenir. Il leur appartient dès maintenant. Quel contraste avec leur pauvreté !
Aussi seront-ils consolés, parce que cette tristesse les amène a la source du pardon, de la paix, de la vie. Esaïe 61.2,3 ; 66.2
"Le monde emploie la force pour posséder la terre, Jésus nous apprend qu'on la gagne par la douceur" Luther.
D'excellents critiques du texte (Lachmann, Tischendorf), se fondant sur D., la syr. de Cureton et quelques Pères, placent le verset 5 ; avant le verset 4, et obtiennent cet ordre qui leur paraît plus naturel : les pauvres, les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de la justice. La progression est plus frappante. Toutefois, les témoignages invoqués ne suffisent pas pour justifier cette transposition, ou du moins la laissent douteuse.
Toute âme qui l'éprouve devant Dieu sera rassasiée, rassasiée de justice, puisque c'est de justice qu'elle a faim et soif. Les révélations subséquentes de l'Evangile lui apprendront comment elle y parviendra. Romains 3.21-30 ; Philippiens 3.9 etc.
Voir déjà dans le sermon sur la montagne la doctrine de la justification par la foi, serait une anticipation que l'exégèse ne doit pas se permettre. (Comparer Matthieu 6.33) Seulement, il est vrai de dire avec Luther que toutes les promesses que fait ici le Sauveur supposent la foi pour se les approprier.
Telle est la double pensée qui rattache cette béatitude aux précédentes. Elle est liée à elles aussi par cette considération que ceux que Jésus appelle au bonheur de ses disciples auront besoin encore d'obtenir miséricorde au jour du jugement suprême, car bien qu'assurés du royaume des cieux, bien que consolés et rassasiés de justice, il restera dans leur vie beaucoup de manquements et d'imperfections à couvrir. Il leur sera pardonné et fait miséricorde selon qu'ils auront fait miséricorde. Matthieu 6.14,15 ; 18.32-35,25.31 et suiv, Luc 6.35-38,14.12-14 ; Jacques 2.13
Des passages tels que : Exode 33.20,Jean 1.18,1Timothée 6.16 ne sont point en contradiction avec cette glorieuse promesse, parce que l'impossibilité de voir Dieu qui est esprit, tient à l'économie présente de la chair, et cessera dans la perfection et dans la gloire.
- Ils sont heureux, parce qu'ils seront appelés de ce doux et glorieux titre : fils de Dieu. Ce titre exprime une réalité profonde ; car en tant que ces fils de Dieu procurent la paix, ils ont un trait de ressemblance avec leur Père qui est "le Dieu de paix" Romains 16.20 ; 2Corinthiens 13.11, ils agissent selon son Esprit.
Donc ils sont fils de Dieu, mais en outre ils seront appelés tels, leur titre sera reconnu et de Dieu et de tous.
A cause de la justice n'est donc pas différent, au fond, de cet autre terme : à cause de moi. (verset 11) Christ est le représentant, le possesseur, le dispensateur de la justice.
Ceux qui sont persécutés à cause de lui sont heureux, parce qu'à eux est le royaume des cieux. (verset 3, note.) Dans la huitième béatitude, Jésus revient donc à la première (ce qui fait que plusieurs interprètes n'en comptent que sept, mais à tort). Il clôt ainsi un cycle harmonique d'expériences et de promesses. Les quatre premières concernent ceux qui cherchent dans leurs profonds besoins, les quatre dernières, ceux qui ont trouvé et qui déjà développent une certaine activité dans le règne de Dieu.
Chaque promesse, source du bonheur (heureux !) répondant exactement et abondamment à chaque état d'âme décrit, fait resplendir un rayon de la gloire du royaume des cieux : aux affligés ; la consolation ; (verset 4) aux doux, la possession de la terre ; (verset 5) aux affamés, le rassasiement (verset 6) aux miséricordieux, la miséricorde ; (verset 7) aux purs de cœur, la vue de Dieu ; (verset 8) à ceux qui procurent la paix, le beau titre d'enfants de Dieu. (verset 9) Mais dans la première et la dernière béatitude, Jésus, qui est le Maître du royaume des cieux, le dispense tout entier aux pauvres et aux persécutés (verset 3 et 10) ; et là seulement il parle, non au futur, mais au présent : ce royaume est à eux.
- Les verset 11 et 12 ne sont que le développement du verset 10.
- Le Sauveur montre à ses disciples persécutés un sujet de joie dans la pensée (car) qu'ils ont ce trait de ressemblance avec les prophètes qui les ont précédés. (1Rois 18.22 ; Jérémie 26.11 et suivants ; Jérémie 37.15 et suivants ; Jérémie 38.4 et suivants Hébreux 11.36 et suivants)
Eloigner la corruption Exode 30.35,2Rois 2.19-22, rendre les aliments savoureux et sains Job 6.6 telle est la destination du sel. Comparer Marc 9.49,50 ; Luc 14.34 ; Colossiens 4.6 Le sens spirituel de l'image est évident. Les disciples de Jésus sont eux-mêmes le sel de la terre, destiné à pénétrer toute la masse de l'humanité. (Voir "lumière du monde," verset 14)
Mais si le sel même venait à perdre sa saveur (gr. devient insipide), rien ne pourrait la lui rendre il devient une matière inutile, et sa destination est perdue. Dans son sens spirituel et moral, la pensée est terrible. Jésus ne dit pas que cela arrivera à ses disciples mais il en suppose la possibilité.
Lui seul est dans un sens absolu la lumière du monde qui a resplendi dans nos ténèbres. Ses disciples, illuminés par lui, le deviennent immédiatement. Ephésiens 5.8,Philippiens 2.15
En Palestine, les villes sont ordinairement bâties sur le sommet ou le penchant d'une montagne ; peut-être Jésus en avait-il une devant les yeux ? qu'il montrait de la main. (Voir F. Bovet, Voyage en Terre-Sainte, 7e éd., p. 382 et suivants) Cette image a le même sens que la suivante. La vie de l'Eglise, la vie de l'âme ne peut et ne doit être cachée dans ce monde.
"Il n'y a d'autre lumière qu'une petite lampe, formée tout simplement d'une soucoupe pleine d'huile. A défaut de table. elle est posée sur un boisseau retourné...C'est le seul ustensile du ménage des paysans, tel que celui que j'ai sous les yeux. Il sert tour à tour de table et de plat, car c'est dans ce même boisseau pareil à ceux dont on fait usage chez nous, qu'on nous apportera tout à l'heure le lait caillé qui constitue le souper de la famille." (F. Bovet, Voyage en Terre-Sainte, 7e éd., p. 312.)
De lĂ l'article, le boisseau, car il n'y en a qu'un.
- Ce verset est l'application des principes qui précèdent. Votre lumière : elle n'est à nous que lorsque nous nous la sommes appropriée d'une manière vivante, alors elle luit d'elle-même devant les hommes qui voient, non pas seulement des doctrines ou des opinions religieuses, mais vos bonnes œuvres, tout l'ensemble d'une vie chrétienne, la sainte vérité dont le caractère est essentiellement moral et pratique. Les hommes qui verront ces œuvres, glorifieront, non pas vous (si tel était votre but secret, la lumière en serait obscurcie, les bonnes œuvres deviendraient mauvaises), mais votre Père qui est dans les cieux, auquel ils seront forcés d'attribuer le témoignage d'une vie sanctifiée. 1Pierre 2.12
- Trouvera-t-on une contradiction entre ces paroles et celles du Matthieu 6.1-6Â ? C'est le discernement spirituel qui doit indiquer la conciliation.
La liaison de la partie du discours qui remplit les versets 17-48 avec ce qui précède n'est pas évidente, plusieurs interprètes pensent même qu'il n'en faut point chercher, mais voir ici le point de départ d'une pensée nouvelle, qui est la principale du sermon sur la montagne. Cependant, si l'on considère que le Sauveur a caractérisé les vrais membres de son royaume, ceux qui ont faim et soif de la justice (verset 6) et dont les hommes doivent voir les bonnes œuvres (v. 16), et qu'il expose maintenant l'esprit et la pratique de cette justice véritable telle que la formule la loi divine, (verset 21 et suivants) on se convaincra qu'il existe entre ces deux pensées fondamentales un lien intime.
A ce point de vue on comprend d'autant mieux la solennelle déclaration que lui, le Messie, n'est point venu, point entré dans son ministère pour abolir la loi ou les prophètes, comme le pensaient les Juifs, qui s'attendaient à ce que leur Messie transformerait toute la loi. La loi et les prophètes, c'est toute l'économie mosaïque et toutes les révélations de l'ancienne alliance, soit comme institutions, soit comme Ecriture sainte. (Matthieu 7.12 ; 22.40 ; Luc 16.16) Le Sauveur ne veut rien abolir, abroger (grec délier, dissoudre, détruire, verset 19), mais tout accomplir. Et il l'a fait de toutes manières.
1° Il a enseigné, révélé le sens complet et spirituel de la loi divine, que le pharisaïsme avait matérialisée par sa doctrine des observances extérieures. (versets 20,21 et suivants)
2° Il a lui-même accompli parfaitement la loi par sa vie sainte.
3° Il a réalisé, par toute son œuvre et surtout par sa mort, l'idée complète de l'ancienne alliance, avec ses types, ses figures, ses sacrifices, ses promesses et ses espérances. Romains 10.4 ; Hébreux 10.1 ; voir surtout Jean 19.30
Cet accomplissement, dans un sens plus élevé, plus parfait, l'Evangile de Christ l'opère à son tour dans le cœur des croyants. Romains 3.31 Ainsi Jésus a accompli la loi et les prophètes d'une manière organique et vivante, comme la fleur accomplit le bouton, comme le fruit accomplit la fleur. Et en portant nos regards plus loin, nous pouvons attendre encore pour l'avenir l'accomplissement de ce qu'il y a de plus excellent dans l'économie présente, notre communion avec Jésus Luc 22.16, la joie de ses rachetés. Jean 15.11
- Ces mots : jusqu'à ce que le ciel et la terre aient passé, sont pris par les uns comme une expression proverbiale signifiant jamais ; par les autres dans ce sens que, même alors, rien de la loi ne passera, mais que tout sera réalisé dans la perfection. Ce dernier sens est le vrai. (Comparer Matthieu 24.35 ; Luc 16.17)
- Un iota est le nom grec de la lettre i qui, dans l'alphabet hébreu, est la plus petite de toutes.
- Un trait de lettre désigne certains jambages ou crochets qui distinguent les unes des autres les lettres hébraïques. Ces images signifient qu'aucune partie de la loi ne passera sans avoir été accomplie. Mais l'accomplissement même rend inutile la forme précédente, le fruit remplace la fleur, la grâce et l'amour se substituent à la loi dans la vie du chrétien, la réalité succède aux ombres et aux figures de la loi cérémonielle, et un jour la perfection suivra tout ce que nous possédons aujourd'hui. 1Corinthiens 13.9-12
- L'expression dont Jésus se sert : il sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ne signifie pas qu'il sera exclu de la félicité éternelle (Augustin, Luther, Calvin), ce sens est contraire aux termes ; elle ne signifie pas qu'il n'aura qu'une petite part du bonheur à venir (Meyer), car l'Evangile n'enseigne pas qu'il y aura des degrés divers dans ce bonheur. Elle signifie qu'il n'aura qu'une part moindre et un rôle inférieur dans l'établissement du règne de Dieu sur la terre. (B. Weiss.)
Celui qui croit pouvoir travailler à l'œuvre de ce règne plus efficacement en s'affranchissant de l'obéissance aux commandements qui lui paraissent secondaires, en les abolissant dans sa conduite et ses préceptes, se trompe. C'est la fidélité dans les petites choses, l'accomplissement scrupuleux de l'humble devoir, qui rendent apte au royaume de Dieu. Il faut d'ailleurs envisager ces commandements dans leur esprit et dans leur ensemble, qui forme un tout inviolable, la volonté de Dieu. Comparer Jacques 2.10
Ces paroles montrent ce que Jésus entend, dans les versets précédents, par l'accomplissement de la loi, et introduisent le discours qui va suivre, sur la manière d'interpréter la loi. Ses disciples doivent réaliser une justice bien supérieure à la justice extérieure, superficielle et formaliste des pharisiens dont il va faire ressortir toute l'insuffisance. Il ne dit pas, dans le sermon sur la montagne, par quel moyen ses disciples pourront obtenir cette justice supérieure. Il ne faudrait pas conclure de cette parole isolée que l'homme puisse jamais, par sa propre justice, entrer dans le royaume des cieux.
- Les anciens sont toutes les générations précédentes auxquelles Moïse et les docteurs qui lui succédèrent (Matthieu 23.2) enseignèrent la loi. Le commandement cité est de Moïse Exode 20.13, et les paroles qui y sont ajoutées : celui qui tuera... est une détermination des interprètes, fondée d'ailleurs sur la législation mosaïque. Le jugement devant lequel le meurtrier était punissable ou justiciable (grec lié, coupable), était une cour de justice secondaire, établie dans chaque district. Deutéronome 16.18 ; 2Chroniques 19.5 A cela se bornait, dans l'interprétation pharisaïque, toute la signification de ce commandement, quiconque ne l'avait pas violé à la lettre, pouvait se croire innocent ; mais...(verset 22)
Quelques interprètes traduisent : "Il a été dit par les anciens," au lieu de "aux anciens." Sens grammaticalement possible, mais contraire à l'usage de cette expression dans le Nouveau Testament. De même dans la suite de ce discours.
Ce commandement, ainsi que tous les autres, peut être violé dans le cœur par les passions : la colère, la haine, le mépris ; et cette violation mérite, devant la justice divine, le même châtiment que le meurtre proprement dit.
Le Sauveur établit une gradation dans la transgression, et aussi dans la peine qu'elle fait encourir. D'abord la colère contre un frère qu'il faudrait aimer (il faut retrancher ce mot sans cause qu'ajoute le texte reçu avec D, plusieurs majuscules, les vers syriaques et des Pères) ; puis l'expression de cette colère par des paroles de haine ou de mépris. Raca terme injurieux qui signifie en hébreu araméen tête vide, homme de rien, canaille. Fou, dans un sens moral, signifie impie, athée. Psaumes 14.1 C'est une sorte de malédiction inspirée par la haine. Comparer 1Jean 3.15
- Quant à la peine également graduée qui correspond à ces violations de la loi, Jésus l'indique par des images tirées de la justice pénale de son temps et de son peuple. En effet, il ne veut pas dire que celui qui manifeste ces mauvais sentiments du cœur doive être puni par les divers tribunaux qu'il va nommer, mais qu'il est aussi coupable que ceux qu'on y amène.
Le jugement désigne le tribunal inférieur mentionné au verset 21.
Le sanhédrin, autorité suprême de la nation, était composé de 71 membres, anciens, scribes et sacrificateurs, sous la présidence du souverain sacrificateur. Matthieu 21.23 ; Luc 22.66 ; Actes 5.21 Il connaissait de toutes causes religieuses, civiles ou criminelles ; en ces dernières, dont il est ici question, il servait de cour d'appel.
Le nom de géhenne du feu provenait de la vallée de Hinnom (hébr. Gué-Hinnom), qui entourait Jérusalem du côté du sud et dans laquelle s'était célébré autrefois le culte de Moloch. Depuis le temps de Josias 2Rois 23.10 on y jetait, afin de la profaner, les corps des animaux morts et des suppliciés, et l'on y entretenait un feu pour les consumer. Ce lieu était ainsi devenu une image de l'enfer, et c'est dans ce sens que le Nouveau Testament emploie ce terme. Comparer Jérémie 7.31,32 ; 19.2 ; Marc 9.43-48
Est-ce parce qu'il a offensé ce frère ? On peut le supposer, on l'admet généralement, mais Jésus ne le dit pas, on peut donc supposer aussi qu'il lui impose le devoir de la réconciliation, même dans le cas où il n'aurait en rien contribué à la rupture avec son frère.
Quoi qu'il en soit, le Sauveur n'admet pas que cet homme puisse entrer en communion avec Dieu par son offrande, par la prière, tant qu'il n'est pas réconcilié avec son frère, et toute conscience chrétienne confirme ce jugement.
Le conseil que donne le Seigneur à celui qui va être accusé est de se mettre promptement d'accord avec son adversaire tandis qu'il est en chemin, c'est-à -dire qu'il en a le temps encore. S'il ne le fait pas, il court le risque d'être livré au juge, puis à l'huissier (exécuteur du jugement), et d'être jeté en prison.
Est-ce là tout le sens de cette exhortation ? Dans ce cas, elle ne renfermerait qu'un bon conseil de prudence, de sagesse dans les affaires de cette vie, et c'est ainsi que l'entendent quelques interprètes. Mais comme ici Jésus exhorte ses disciples à la réconciliation avec leurs frères et cela à cause de leur responsabilité envers Dieu, (versets 23,24) il est évident que notre verset 25 devient une image, une parabole, présentant un sens religieux plus élevé.
Tous les hommes sont en chemin vers le juge, qui est Dieu ; tous ont envers leurs frères des torts dont il leur sera demandé compte, qui suffiraient pour les faire condamner ; et s'il est impossible même d'apporter à Dieu une offrande sans être réconcilié avec un frère offensé, comment espérer être absous devant le tribunal céleste ? Il ne resterait en perspective que la prison, c'est-à -dire, non le purgatoire, selon les interprètes catholiques, non le hadès ou lieu invisible d'attente, selon d'autres, mais le châtiment, comme cela ressort clairement de l'image.
- On voit combien cette sérieuse parabole rentre harmoniquement et profondément dans le discours de Jésus, et que c'est à tort que quelques interprètes pensent que Matthieu l'a arbitrairement intercalée ici, parce que Luc lui assigne une autre place dans son évangile. Luc 12.58,59 Pourquoi ne pas admettre plutôt que ce court enseignement parabolique peut avoir été présenté plus d'une fois ?
- Dans le sens littéral de la parabole, il eût peut être été possible au débiteur de payer toute sa dette. Dans le sens spirituel, après le jugement de Dieu, il ne le pourra jamais. (Comparer Matthieu 18.34)
Les paroles qui suivent montrent qu'ici encore la morale pharisaïque ne voyait la violation du commandement que dans l'acte matériel de l'adultère. On sait aussi que les docteurs juifs jugeaient très diversement des mauvaises pensées et des mauvais sentiments du cœur qui ne se traduisent pas en actions.
Tout homme qui regarde une femme dans de telles dispositions pèche déjà . Tout péché d'intention, dont les circonstances empêchent la consommation, est commis aux yeux de Dieu, qui "regarde au cœur."
Le mot grec, scandale, dans son sens littéral, signifie un obstacle matériel mis devant les pas de quelqu'un pour le faire tomber. Le sens spirituel ou moral est dès lors évident. (Voir Matthieu 16.23,18.8, etc.) Le précepte que Jésus ajoute (versets 29,30) au sixième commandement est semblable, comme le remarque Weiss, à celui dont il fait suivre le cinquième commandement. (versets 24-26) Là il s'agissait de sentiments d'amertume et des dispositions d'un cœur non réconcilié qui reviennent spontanément à la mémoire, ici il s'agit de la convoitise impure, qui, à l'état latent dans le cœur, est excitée sans qu'il y ait concours de la volonté. Jésus indique quelles mesures radicales il faut prendre dans ce cas.
On consent dans certaines maladies dangereuses à subir l'amputation d'un œil, d'une main, d'un membre, si nécessaire soit-il, pour sauver la vie de tout le corps. Ainsi le renoncement le plus absolu, le sacrifice le plus douloureux vaut mieux (grec t'est avantageux) que si tout ton être était jeté dans la géhenne. (Voir sur ce dernier mot verset 22, note, et sur toute sa pensée Matthieu 16.24-26,19.29)
Cet enseignement du Sauveur sur la sainteté du mariage se retrouve aussi ailleurs, provoqué par une question qui lui fut adressée ; (Matthieu 19.3 et suivants) mais il peut fort bien avoir été donné déjà ici, à l'occasion de l'instruction qui précède sur l'adultère.
La prescription mosaïque que cite Jésus (verset 31) se trouve dans Deutéronome 24.1. Elle permettait le divorce ; la lettre ou (grec) l'acte de répudiation que donnait, dans ce cas le mari à sa femme, constatait officiellement la séparation. Les Juifs, au temps de Jésus, abusaient de cette autorisation, dont les termes étaient un peu vagues.
L'école plus stricte de Schammaï n'admettait que l'adultère comme cause de divorce ; mais d'autres : rabbins interprétaient le texte mosaïque : "Si elle n'a pas trouvé grâce à tes yeux," en disant : "Si quelqu'un voit une femme plus belle que la sienne, qu'il répudie la sienne." (E. Stapfer, La Palestine,...p. 150 et suivants)
Jésus, qui juge le commandement de Moïse lui-même, (Matthieu 19.8) réagit fortement contre la pratique religieuse de ses contemporains. (Matthieu 19.9) Il n'admet qu'un cas qui légitime le divorce : la fornication, c'est-à -dire, pour la femme mariée, l'adultère, qui brise et détruit de fait le lien conjugal.
Et encore d'excellents interprètes (B. Weiss) estiment que Jésus ne donne pas ici l'adultère comme motif de divorce, mais qu'il veut seulement dire : celui qui répudie sa femme l'expose à devenir adultère, à moins que par la fornication, elle ne se soit déjà rendue telle.
- Si nous admettons la première explication, qui paraît plus naturelle, Jésus pose ces deux principes : celui qui répudie sa femme pour les motifs futiles alors considères comme suffisants, la fait devenir adultère, par la liberté qu'il lui donne de se remarier, tandis qu'en droit elle est la femme d'un autre ; et celui qui épouse une femme ainsi séparée commet le même péché, par la même raison. Mais une question se pose : si la séparation a eu lieu pour cause d'adultère, et qu'ainsi le divorce soit légal, un second mariage le sera-t-il aussi ?
Les uns, d'après ce texte, répondent oui : et telle est l'opinion qui a prévalu dans l'Eglise et dans les législations des pays protestants, qui ont même statué d'autres causes légitimes de divorce, les autres, se fondant sur les passages parallèles Luc 16.18 ; Marc 10.11 où ne se trouve pas la cause exceptionnelle admise ici (si ce n'est pour cause de fornication), répondent non, et considèrent le mariage après divorce comme interdit d'une manière absolue.
Telle est l'opinion et la pratique de l'Eglise et des législations catholiques, qui n'autorisent en aucun cas le divorce, mais seulement la séparation. La question est complexe ; Jésus n'a point entendu l'épuiser ici, puisqu'il ne parle que de la femme, qui pourtant a les mêmes droits, et nullement du mari, qui peut avoir les mêmes torts. (Voir toutefois Marc 10.12, note.) L'apôtre Paul présente de la même manière les deux faces de ce sujet : la pratique la plus sévère 1Corinthiens 7.10,11 et le point de vue plus adouci. (verset 15) Mais là il ne parle que de la séparation, et non d'un second mariage. (Voir Matthieu 19.9, note.)
Cette citation ne se trouve nulle part littéralement dans l'Ancien Testament, mais la pensée revient dans plus d'un passage. Ainsi la défense du parjure ou faux serment est contenue dans Lévitique 19.12, et le devoir de tenir au Seigneur ses serments, ou ses vœux, ou ses promesses, se trouve prescrit dans Deutéronome 23.21. Sur ce point régnaient aussi parmi les Juifs de pernicieux abus, qui ne se sont que trop perpétués chez les chrétiens.
Aux prescriptions et aux usages de la loi ancienne, il oppose avec une autorité souveraine (mais moi je vous dis) le commandement de ne jurer point du tout (grec totalement, entièrement, ce qui rend la négation absolue). Et comme, par un certain respect pour le saint nom de Dieu, l'usage s'était introduit chez les Juifs de jurer par d'autres objets vénérables, par le ciel, par la terre, par Jérusalem, etc., avec la pensée que ces sortes de serments liaient moins la conscience, Jésus poursuit ce préjugé en montrant que ces formules remontent pourtant jusqu'à Dieu, qui remplit de sa sainte présence les cieux et la terre, tout l'univers. (Comparer Matthieu 23.16 et suivants)
Ainsi, le ciel, c'est le trône de Dieu qui y règne Esaïe 66.1 la terre c'est le marchepied de ses pieds ; voir encore Esaïe 66.2, où Dieu dit par la bouche du prophète : "Ma main a fait toutes ces choses," comparez Matthieu 23.22 ;
Jérusalem, c'est la ville du grand Roi, la sainte cité de Jéhovah Matthieu 4.8,Psaumes 48.2,3 ta tête, bien loin de pouvoir en disposer, tu ne peux en rendre un seul cheveu blanc ou noir ; ton impuissance rend ton serment téméraire !
Conclusion : Ne jurez par aucun de ces objets, votre serment n en serait pas moins grave : en jurant par la créature vous jurez par le Créateur. Que faire donc ? Affirmer la vérité par un oui ou un non, prononcé sous le regard de Dieu, en présence duquel vous agissez et parlez toujours. Tout ce que vous ajouteriez vient du malin, du père du mensonge, qui règne dans le monde, ce qui fait que le monde se défie de la parole des hommes. D'autres traduisent vient du mal, (comparez Matthieu 6.13) du péché qui règne dans le monde et fait prédominer la fausseté dans les relations humaines.
- Telle est la pensée du Sauveur, pensée seule digne de son règne et de ceux qui y appartiennent, pensée aussi clairement répétée plus tard par un de ses apôtres Jacques 5.12 et pleinement admise par les Pères de l'Eglise, Justin, Irénee, Clément, Origène, Chrysostome, Jérôme et d'autres.
- Toutes les tentatives qu'on a faites pour tirer de notre passage un sens diffèrent, sont des tours de force exégétiques ; tous les meilleurs interprètes, même ceux qui admettent la légitimité du serment, en conviennent. Aussi cherchent-ils ailleurs des arguments. On dit que le serment était prescrit dans l'Ancien Testament Exode 22.11 ; Deutéronome 6.13 qu'il est un honneur rendu à Dieu Jérémie 4.2 ; Hébreux 6.16, que l'apôtre Paul emploie des affirmations qui équivalent au serment : Romains 1.9 ; 2Corinthiens 1.23 ; Galates 1.20,Philippiens 1.8 que Jésus a fait un serment Matthieu 26.63, enfin que Dieu lui-même jure. Genèse 22.16 ; 26.3 ; Esaïe 45.23 et ailleurs.
Si ces arguments sont fondés, il faut reconnaître qu'ils sont en contradiction directe avec le précepte de Jésus-Christ qui nous occupe, à moins qu'on n'admette, avec beaucoup d'interprètes modernes, que ce précepte, de même que d'autres du sermon sur la montagne, (versets 32,39,40,41) n'est pas applicable aux relations sociales, ni destiné à régler l'organisation de la société, mais seulement les rapports des chrétiens entre eux dans cette communauté idéale, où règne la perfection, et qui s'appelle le royaume des cieux. Mais l'intention de Jésus était-elle bien de proclamer une loi toute spirituelle et abstraite ? Ses auditeurs galiléens pouvaient-ils comprendre ainsi ses préceptes ? Et aujourd'hui encore, en présence des mensonges, des parjures, des violences faites aux consciences, de l'abus criant des serments politiques, le tout sous l'invocation du saint nom de Dieu, n'y a-t-il pas plus de sûreté pour la conscience dans l'obéissance à la parole si claire et si nette du Sauveur
Dans la législation mosaïque, ces paroles prescrivaient au juge d'infliger au coupable une peine correspondant exactement et matériellement au délit commis. Exode 21.24 et suivants, Lévitique 24.20 ; Deutéronome 19.21
C'est la loi du talion, admise aussi dans les XII tables du droit romain, c'est la rigoureuse justice. Mais moi je vous dis...
Résister aux méchant, c'est rendre le mal pour le mal : la loi du talion et celle du cœur de l'homme est, en recevant un soufflet ou une injure quelconque, de le rendre à l'instant. Jésus veut, et ses apôtres après lui, Romains 12.17,19 ; 1Pierre 3.9, qu'au lieu d'exercer ainsi la vengeance, le chrétien souffre plutôt une nouvelle injure, et c'est là ce qu'il faut entendre par présenter l'autre joue. (Comparer Jean 18.22) Faire de ce précepte un principe de morale sociale, ce serait encourager le méchant, en lui donnant occasion de faire plus de mal.
La première partie de ce précepte était seule dans la loi Lévitique 19.18 la seconde était une glose du pharisaïsme, qui entendait par le prochain les Juifs, à l'exclusion des hommes de nationalités différentes. Ceux-ci étaient des ennemis qu'on pouvait haïr, et l'on n'hésitait pas à appliquer ce principe à des ennemis personnels. La loi prescrivait tout le contraire Exode 23.4-6 et la conduite des Israélites pieux donnait un exemple tout opposé. Psaumes 7.5 ; 35.13,14 ; Job 31.29 ; Proverbes 24.17,18 ; 25.21
Toutefois il faut bien reconnaître que l'amour du prochain, dans sa plénitude, n'a été enseigné que par le Sauveur, et qu'il est une création de l'Evangile dans le cœur du chrétien.
Quoi qu'il en soit, Jésus a prononcé ces paroles, qui présentent une progression remarquable, à la fois dans le mal à souffrir et dans le bien à faire. D'une part des ennemis qui maudissent, haïssent, persécutent, d'autre part des chrétiens qui aiment, bénissent, font du bien, prient. De part et d'autre on passe des sentiments aux actes.
"Voici donc trois degrés de charité envers des ennemis : les aimer, leur faire du bien, prier pour eux. Le dernier est celui qu'on croit pouvoir faire le plus aisément, mais c'est pourtant le plus difficile, parce que c'est celui qu'on fait par rapport à Dieu. Rien ne doit être plus sincère, ni plus cordial, ni plus véritable, que ce qu'on présente à Celui qui voit tout jusqu'au fond du cœur." Bossuet.
- Votre Père ; jamais Jésus ne dit notre Père, en se comprenant dans ce mot avec ses disciples ; mais toujours mon Père ou votre Père. Distinction très significative. Comp, Jean 20.17 Qui est dans les cieux. (Matthieu 6.9, note.)
Son soleil : "Magnifique appellation ! lui-même a fait le soleil et le gouverne, et le possède en sa seule puissance." Bengel.
Les bienfaits de Dieu dans la création, même envers ses ennemis, sont offerts à notre imitation. Ces arguments tirés de la nature, qui dévaste aussi et détruit parfois ne suffiraient pas pour nous faire connaître et aimer Dieu comme notre Père, mais ils parlent au sentiment religieux, et Jésus leur prête ici son autorité. Comparer Actes 14.17
Les péagers mêmes le font. Les Juifs haïssaient et méprisaient ces hommes qui s'étaient mis au service de la domination romaine pour prélever des impôts détestés, et qui le faisaient souvent avec dureté et injustice. Aussi dans l'Evangile sont-ils nommés avec les pécheurs les plus décriés. Matthieu 21.31,32 ; Luc 15.1
Les païens (le texte reçu répète ici le mot péagers) le font aussi.
Il leur est bon de se rappeler la prière d'Augustin : "Donne ce que tu ordonnes, Seigneur, et ordonne ce que tu veux !"
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